
« Le matin du grand soir, la belle fit sa toilette comme à son habitude, mais de façon plus fébrile. Après que les écureuils l’aient coiffée, la biche força sur la quantité de fleurs afin que leur parfum demeurât jusqu’au soir. Des oiseaux apportèrent la somptueuse robe, la belle ne fut jamais plus princesse qu’en cet instant. L’on apprêta également le cerf, compagnon de la brave biche, qui fera fonction de destrier afin de véhiculer la belle jusqu’au château. Ses pieds enveloppés dans des carrés de soieries pour le trajet, car elle ne disposait pas de chaussures, n’en ayant pas l’usage au quotidien, la belle prit place en amazone sur le cerf. Tous les animaux de la clairière leur souhaitèrent bon voyage, et la princesse, comme l’appelaient déjà ceux-ci, ainsi que sa monture, se mirent en route.
Deux oiseaux firent le trajet avec eux, mais au-dessus de la cime des arbres, afin de leur indiquer la direction à suivre, et leur éviter de mauvaises rencontres au détour des chemins, mieux valait-il rester prudents face au monde des humains… Leur parcours se déroula sans encombre, mais ils n’arrivèrent cependant qu’en soirée, alors que le soleil était sur le point de se coucher. La belle qui avait entamé le périple en chantant était depuis quelques heures devenue bien silencieuse, comme songeuse. Le cerf l’avait noté, mais continuait comme si de rien n’était.
Ils traversèrent le village complètement désert, presque fantomatique sous les dernières lueurs du soir, concentrant leur attention sur le château face à eux, qui, lui, était illuminé de mille feux. "Comme il est beau", s’exclama la belle. Beau certes, mais fermé. Deux gardes se tenaient devant la grande porte de bois massif, lances croisées. Le cerf eut un mouvement de recul, la belle le rassura d’une caresse sur le cou. S’approchant des gardes, elle expliqua qu’elle répondait à l’invitation au grand bal, mais que sa route fut longue, et qu’elle était probablement en retard. "Effectivement", répondit l’un d’eux, "l’accueil des invités est terminé, nous ne pouvons plus vous permettre d’entrer." La belle baissa les yeux, qu’elle sentait sur le point de couler. Avait-elle fait tout ce trajet pour se voir refoulée si près de son but, elle qui avait tant rêvé de son prince, n’allait-elle même pas pouvoir se présenter devant lui, et ainsi perdre toute chance qu’il daigne s’intéresser à elle ?
Cette situation était bien trop absurde pour le cerf, qui fulminait en son for intérieur. Il recula de plusieurs mètres, et brama. Les deux oiseaux descendirent près de son museau, et il leur parla tout bas, si bas que la belle n’entendit pas. Les oiseaux s’envolèrent, et revinrent quelques minutes après, accompagnés d’un essaim d’abeilles qui foncèrent sur les gardes. Aucun ne fut piqué, mais ils prirent si peur qu’ils plongèrent se réfugier dans l’eau des douves. Le cerf sourit aux abeilles pour les remercier, et s’approcha de la lourde porte, qu’il poussa de ses pattes avant : "Accroche-toi, princesse !", dit-il.
Ils franchirent une sorte de sas, et se retrouvèrent dans la cour intérieure. La musique qui leur parvenait leur fit chaud au cœur. Ils admirèrent la beauté du lieu sans s’attarder. La belle ôta les carrés qui enveloppaient ses pieds. Au bout d’un couloir, ils arrivèrent devant la grande salle où l’on dansait déjà. Apercevant l’animal, les invités reculèrent et se figèrent les uns après les autres. Devant une telle haie d’honneur, le cerf bomba le cou, et avança fièrement jusqu’au centre de l’immense et somptueuse pièce. Même l’orchestre avait cessé de jouer. Seuls des "Oh" se faisaient entendre dans l’assistance. "Va, princesse, c’est à toi maintenant", dit le cerf, ce qui surprit les personnes proches. Bien sûr que le cerf parle. Tous les animaux parlent, mais seulement aux rares humains qui le méritent !
Il tourna ses bois, et la belle descendit, intimidée. "Quelle est donc cette surprenante apparition ?", fit le prince en se levant de son siège. Faisant révérence, la belle répondit : "Veuillez me pardonner cette intrusion fort peu protocolaire, notre route fut longue…" "Vous êtes toute pardonnée, charmante damoiselle, mais qui êtes-vous, et d’où arrivez-vous ?", demanda-t-il, ne sachant sur quoi porter son regard, sur les pieds nus de l’inconnue, sur son visage si parfait, ou …sur les pointes de ses seins que la légère transparence de la robe laissait entrevoir. Le cerf alla se placer dans un coin de la salle, d’où il allait pouvoir assister tranquillement à la soirée. Machinalement, l’un des serviteurs lui apporta une collation. Il demanda plutôt de l’eau fraîche dans un récipient plus adapté qu’un verre. Le serviteur sans doute habitué à diverses extravagances s’exécuta sans sourciller.
"Je l’ignore", dit la belle en baissant les yeux, "je vis seule dans une clairière, entourée de tous mes amis les animaux…" Des rires moqueurs l’interrompirent, mais le prince, relevant délicatement son menton, se fâcha : "Silence !"
"Vous êtes magnifiquement apprêtée, charmante damoiselle, pour quelqu’un qui vit seule au milieu de la forêt." Elle rougit : "C’est là l’œuvre qu’ont tissée mes amies les araignées, elles ont fait un travail admirable…" A de nouveaux rires gras se mêlèrent cette fois des réflexions blessantes : "c’est une affabulatrice", "c’est une folle". Agacé, le cerf intervint : "En voilà assez, ramassis de suffisants ! Ma princesse ne ment pas, et ne mérite pas que vous lui manquiez ainsi de respect !" "Voilà qui est bien dit, cerf !", ajouta le prince, puis, réalisant : "Cet animal vient de parler !?" "C’est le cas, votre altesse." "Est-ce de la sorcellerie ?" La belle sourit, ce qui éblouit le prince : "Absolument pas, j’en suis bien incapable. Il faut simplement savoir gagner la confiance des animaux." Des regards interloqués s’échangèrent dans l’assistance.
Le prince voulut alors clore ce moment, et reprendre le cours de cette soirée : "M’accorderez-vous la prochaine danse, charmante damoiselle sans identité ?" "Si vous me promettez d’être indulgent face à mes piètres talents de danseuse…" Il ne releva point, trop empressé de tourbillonner avec la belle. L’orchestre se prépara à jouer, d’autres couples se formèrent, ce qui tut le brouhaha envieux. Les yeux plongés dans ceux de l’inconnue, le prince s’appliquait à ne pas perdre le fil de la musique. Le cerf souriait en se désaltérant.
Un haut vitrail vola en éclats qui rebondirent au sol dans un fracas. L’assistance recula. Une silhouette noire entra par l’ouverture, juchée sur un balai noueux de branchages secs, et descendit sans un bruissement au centre de la salle, près du prince. "Je constate que tout le monde prend du bon temps, mais que personne n’a pris le soin de me porter une invitation, je préfère croire qu’il s’agit là d’un fâcheux oubli de la part de vos chevaliers, mon cher prince." Le balai se dégagea et fila se ranger à côté du cerf, qui exprima une forme de désapprobation. "N’aie crainte, je ne mords pas. Je conçois tes réticences, mais je cherche juste la personne avec laquelle je pourrais éventuellement discuter un peu, histoire de ne pas passer la soirée à m’ennuyer seul dans mon coin. Et je me disais que tu devais être le plus à même de me comprendre, cerf…" "Puisque tu prétends venir en paix, malgré cette entrée …fracassante, alors sois le bienvenu, balai."
"C’est la sorcière", courut dans l’assistance effrayée. Effectivement, c’était la jeune sorcière qui s’était invitée de façon peu discrète. Elle arborait sa plus belle tenue de sorcière, conventionnellement intensément noire, à ceci près qu’elle avait troqué le traditionnel chapeau conique contre un magnifique diadème, noir lui aussi mais brillant, qui la mettait bien davantage en valeur. Le prince, plus alléché par ce qu’il n’hésitait pas à contempler qu’apeuré, déclara : "Eh bien, une deuxième beauté inattendue à cette fête, je ne sais que penser ! Ce n’est pourtant pas mon anniversaire !" La jeune sorcière, qui s’était focalisée jusqu’alors sur le prince, réalisa à ces mots que contrairement à ce qu’elle avait vu dans son miroir avant de s’envoler sur son balai, la fille de la clairière avait finalement dû réussir à se rendre à ce bal. Elle se tourna, et se retrouva nez à nez avec la belle. Ses yeux noirs plongés dans les yeux clairs de la belle, elle en perdit la parole : "Je…" "Oui ?" répondit-elle, comme hypnotisée. Le prince passa sa main entre leurs regards, mais sans succès : "Hé ! Ho ! Il y a quelqu’un ?" Un murmure se fit entendre, commentant cette situation inédite, le prince interdit devant les deux beautés, la sorcière et la nymphette, figées yeux dans les yeux.
Le cerf fit de gros yeux au balai mais ce dernier manifesta autant de surprise que les autres personnes. Les secondes qui s’écoulaient paraissaient à l’assemblée qui observait de réelles heures. Plus un bruit n’était audible.
Soudain l’on entendit comme du verre qui frottait sur le sol de la salle du bal. Les débris du vitrail détruit s’animaient en mouvements circulaires d’abord par terre, puis s’élevaient lentement en une mini tornade cliquetant. Le balai se cacha derrière le cerf qui pressentait qu’un funeste événement se tramait, dont la jeune sorcière n’était pas à l’origine. »
Once Upon a Time... [Ch.03]


Mylène (MyLzz59)
2 commentaires:
Ah Ah! j'me disais aussi! Connaissant Mylène! ;-)
Que va t il se passer désormais entre nos deux damoiselles? Après ce regard figé echangé!!!! IOui, je mets de côté volontairement le prince...
Il m a l air un peu effacé comme gars, non?
Bises!!!
ps: Deeeeeeeeelph'!
Mais tu ne penses vraiment qu'à ça, Taz :-o Une vraie lez qui s'ignore sommeillerait-elle en toi ? :D Comment ça, des précédents dans mes histoires ?? :P
Dis, comment tu expliques le dernier paragraphe, alors ?
Bisous Taz :*
-MyLzz59-
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