Sable [Ch.01]

<MESSAGE ORIGINEL>

Nan, c'est PAS "Mylène à la Plage" :D Cependant, comme le montre cette photo prise avec mon téléphone ;) les premiers chapitres de cette histoire ont vu le jour durant mes dernières vacances, sur le Bassin d'Arcachon. Je vous ai concocté, c'est très original, les aventures d'une vacancière à la mer :)

« Du sable blond, fin et soyeux, à perte de vue. Une serviette posée, et moi assise dessus. Ma tête est à l'abri sous un énorme chapeau de paille teintée et tressée, qui me fait office de parasol. Parasol qui n'aurait été d'aucune utilité dans un sable si meuble… Le soleil est haut et chaud mais ne nous brûle pas, un léger vent bienveillant nous caresse et nous protège de ses morsures. La mer aussi semble en vacances, apaisée, reposée, sa placide platitude à peine troublée de vaguelettes. A distance raisonnable, elle s'avance et se retire calmement avec une régularité d'horloge, affichant ainsi la limite entre le royaume des pataugeurs et celui des lézards dont je fais partie. Loin à l'horizon, entre le bleu de cette mer et celui quasi immaculé du ciel avec lequel elle se confond, passe de temps à autre quelque bateau. Il est de ces décors qui donnent l'impression irréelle d'habiter dans une carte postale souvenir…

Nous sommes assez nombreux, tant dans l'eau que sur la plage, mais notre décor est si vaste que nous disposons naturellement largement de quoi ne pas nous bousculer. Le doux bruit de l'eau n'est troublé que par les cris d'enfants qui, partout, jouent, courent, profitent tant qu'ils peuvent, dépensent leur énergie et finiront le soir par tomber d'un profond sommeil sain et réparateur. Une population cosmopolite, où cohabitent toutes sortes de personnes, origines et classes sociales confondues, solitaires et familles nombreuses, jeunes et moins jeunes, blancs inconscients qui finiront leur première journée rouge écrevisse, autochtones habitués dont la peau a viré au cuir tanné à force d'expositions.

Plus loin, un groupe semble à l'écart. Des jeunes certes remuants et bruyants, encadrés de quelques accompagnateurs costauds, qui ont eux aussi ce phrasé si caractéristique. Ils se bousculent, parlent fort, s'insultent, ponctuent de mots grossiers comme s'il s'agissait de réelle ponctuation des assemblages de mots inhabituels à nos oreilles. Certains de leurs termes me choquent, ceux qui désignent la catégorie de population à laquelle j'appartiens, mais je sais qu'ils les emploient par habitude, par mimétisme, sans même se référer à leur sens originel. Je ne peux leur en vouloir, je déplore simplement que l'école ici encore ne fasse pas son boulot en nous présentant dès leur plus jeune âge comme les gens normaux que nous sommes en réalité plutôt que les laisser assimiler à des insultes ces mots qui nous caractérisent.

S'il est ainsi tenu à l'écart, c'est sans doute que ce groupe de jeunes tout droit arrivé d'une quelconque cité dite "sensible" inquiète, au même titre que tout ce qui nous est "différent", "inhabituel", "normal" si tant est que la norme soit la loi du plus grand nombre. A ce titre, nous inquiétons aussi, hélas. Pourtant, s'ils prenaient le temps, la peine de les observer, ils verraient que ces jeunes ne sont rien de plus que de braves gosses qui ont eu la malchance de naître et vivre là où leurs ascendants se sont retrouvés parqués, déjà tenus à l'écart… De braves gosses qui découvrent sans doute la mer pour la première fois de leur existence, et qui réaliseront peut-être qu'eux aussi ont droit de prétendre à une autre vie, si identiques aux autres gosses une fois sortis de leurs ghettos. S'ils m'interpellent tant, c'est sans doute qu'ils me ramènent à ma propre minorité, certes distincte, mais tout aussi discriminée.

Mais revenons à nos moutons. Je suis en vacances, confortablement assise sur ma serviette de plage, quasiment nue, excepté mon chapeau parasol, ainsi qu'un string fort minimaliste qui ne me laissera presque aucune trace blanche, marque de maillot que d'aucuns peuvent trouver seyante voire objet de fantasme, mais qui me déplaît fortement. Je me serais d'ailleurs volontiers passée de cet encombrant minuscule vêtement que l'on achète à prix d'or simplement pour une quelconque bienséance à la limite de l'hypocrisie, mais puisque cette année je n'ai pas opté pour le "camp" de naturisme pourtant à à peine un ou deux kilomètres d'ici, je suis tenue de me conformer. J'ai acheté ce que j'ai trouvé de plus petit, isocèle triangle de tissu prolongé d'une ficelle à chaque sommet, presque une mini tour Eiffel à l'envers. Décidément, même en vacances, il faut forcément que quelque chose me rappelle que le reste de l'année j'habite pour cause de travail dans cette fichue région que seuls les touristes étrangers nous envient, tout comme un sixième de la population de notre pourtant si beau pays s'y entasse.

Cependant les vacances auraient-elles vraiment la même saveur, le même attrait, si elles ne venaient entrecouper le reste de l'année, ces longues périodes où, mi automates mi zombies, l'on survit avec cette seule idée en tête qui vous fait tenir, leur retour ? Pourtant n'allez pas croire que mon travail ne m'intéresse pas, loin de là, je ne l'exerce pas dans le seul but d'assurer ma subsistance, il me plaît et parfois même je m'y amuse, tout en restant professionnelle. Néanmoins je ne peux nier être mieux sur cette serviette, assise à transformer mon teint de cachet d'aspirine en une nuance un peu plus autochtonale tout en contemplant l'idyllique et reposant paysage qui s'offre à moi, n'ayant aucun autre but, aucun autre objectif, que de rester là, sur ma serviette, si ce n'est de me baigner de temps à autre, histoire de me rafraîchir. »

-MyLzz59-