« Comme je dois m'occuper jusqu'à la fermeture, dix-neuf heures quinze environ, Hercule me suggère de laisser mes affaires dans le bureau et l'oncle d'aller visiter le centre bourg. Je n'ai pas le choix, séparation obligatoire pour quelques heures. Centre bourg, a-t-il dit. Le tour en sera rapide, une seule rue, et moins de dix commerces. Comme l'on est loin de la monumentale zone commerciale près de chez moi ! Je décide d'entrer dans la boutique d'accoutrements… pardon: de vêtements, histoire d'admirer la mode d'il y a au moins trente ans. Non, je suis méchante. De plus, les prix y sont si bas, que je me laisse tenter par un foulard, que je ne pense même pas oser porter. Je le recyclerai en nappe de guéridon.
La citadine que je suis, malgré tous mes efforts pour "m'accoutumer", ne passe pas inaperçue, et la vendeuse me pose naturellement et par pure curiosité de l'événement du moment, quelques questions. Je lui explique que j'ai échoué au garage d'Hercule, et qu'il m'impressionne. Elle rit en me répondant qu'il ne faut pas en avoir peur, que malgré sa carrure il ne ferait pas de mal à une mouche, qu'au contraire il est d'une gentillesse incroyable pour un tel garçon, et si doué de ses mains ! Ca, je ne demande qu'à le vérifier, tiens. Avec lui je suis bien tombée, ma voiture va filer droit. C'est clair que la roue ne s'est pas faite prier pour finir au sol. D'ailleurs, moi non plus je ne me ferais pas prier… J'apprends aussi par potins que c'est l'oncle qui l'a recueilli, petit orphelin, et en a fait son apprenti, mais qu'aujourd'hui il a largement dépassé le maître. Et cerise sur le gâteau, que c'est un garçon discret, sans doute timide, on ne le voit guère traîner, mais curieusement les rares fois il fricotait avec des filles bizarres, genre "voile-vapeur" (si je vois ce qu'elle veut dire). Mouais, pas vraiment, en fait.
Je prends poliment congé, et elle m'offre avec sa carte un stylo publicitaire sur lequel je réalise l'ampleur du décalage avec la "civilisation": "Au Dernier Chic". Trop drôle ! Je décide de sortir pour ne pas vexer cette si brave dame. Direction le troquet. On y vend aussi des journaux. Je me dis que je dois absolument acheter un exemplaire de la gazette locale, sinon jamais on ne me croira, à mon retour ! Et je l'avoue, aussi pour vérifier la date inscrite dessus, l'année en particulier. Je le feuillette, assise à une table, dans un coin. A défaut de serveur, c'est le tenancier qui me gueule de derrière son zinc: "Elle veut boire quelque chose, la p'tite dame ?" Du calme, n'oublie pas la première phrase de tout guide du routard, "à l'étranger, l'étranger c'est vous". Oui, en effet, je suis dans un autre monde, là ! Je gueule par mimétisme: "Ben la p'tite dame elle a besoin d'un truc fort, là. Mettez-moi ce que vous avez, patron !" Je suis contente de mon p'tit effet, là. Je vais vite déchanter… Il m'amène un verre à pastis mi-rempli d'une substance non référencée, une gnôle locale sans doute, sur un carton buvard de verre à bière. Là aussi je paie bien moins cher qu'attendu, mais ai-je bien fait ? Du verre s'échappe une légère fumée. Ce truc liquide doit avoir un degré d'alcool proche de l'angle droit ! Je n'ai pas le choix, j'ai cherché j'ai trouvé, goûtons donc.
Crévédidiou ! Ben ça décape la tuyauterie, c'te truc. Je sens ma langue à moitié anesthésiée alors que j'ai à peine lapé ! Pis ça fait chaud au ventre. C'est pas en train de faire des trous, au moins ? J'y retourne, lape de nouveau. Je ne sens plus mes dents, ça passe bien mieux sans les dents. Je n'identifie pas l'animal qu'ils ont dû confire dedans. Je me dis que si ça existe, je vais me ramener une ou deux bouteilles. Rien que l'idée de voir la tête de Dumoudugland me conforte qu'il y a matière à faire avec ça. Et puis mon fournisseur aussi, faudra qu'on arrose le rabais de tout à l'heure… Tout en jubilant intérieurement, j'ai quand même descendu les deux tiers du verre. Ceux du dessus, comme c'est original ! Chuis bien, là. Je badigeonnerais bien Dumoudugland, juste pour voir si ça a des effets épidermiques. J'ignorais que j'avais une curiosité scientifique. Ca ouvre certains volets de la perception, alors… »
Hercule [Ch.04]


Mylène (MyLzz59)
3 commentaires:
:), j aime beaucoup ta description de la boutique ;)
La citadine m apparait un peu plus..humaine...:).. elle boit des trucs qui fument et qui font tomber les dents... :D
tiens à ce propos, je pensais que l action se deroulait dans ma campagne, je me trompais: c est dans la campagne à Delph'....si si, souvenez vous! la liqueur finale dans "les bronzés font du ski"...ben c est la même...:D
bises à vous deux
Oh l'autre hey !!! ;D
N'empêche que le ratafia le plus fort que j'ai goûté ce n'était pas dans ma campagne mais dans celle de Bourgogne , un truc maison qui fait à peu près l'effet décrit par Mylzz à part la fumée.
bizz
Rhôô mais y'a d'l'ambiance, dîtes :P
Bisous vous deux :*
Mais si, qu'elle est humaine, la commerciale ! Elle fait même de gros efforts d'adaptation :P C'est juste qu'elle n'appartient pas au même monde :D
Mais qu'est-ce que vous avez tous, avec cette histoire ?? :-o Après une Chatte Persane de mes amies (:* si tu t'égares par ici) persuadée avoir reconnu la commerciale qui m'aurait servi de modèle, malgré mes sincères démentis, voici que vous vous attaquez à la géolocalisation du village :D
J'vais p't'êt' requalifier cette histoire à la rubrique Paul et Mick", moi ;)
Rem: si ça fume pas, c'est que le degré d'alcool est encore loin de l'angle droit :P
Allez, soyez sages en attendant le suivant, probablement dimanche :*
-MyLzz59-
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