Hercule [Ch.10]

« Je n'ai jamais évoqué ma maladie. Pour les gens d'ici, je suis simplement un homme qui aurait trop grandi. Ca passe mieux. Surtout avec mon orientation." Je rebondis sur ce point: "Ton orientation ?" "Oui. J'ai toujours été attirée uniquement par les filles. Aussi je préfère ne pas démentir auprès de ceux qui me croient un garçon. Ca atténue mes tares…" Elle ne m'en dira pas plus, ceci est déjà beaucoup. Elle s'est ouverte à moi, cela démontre la confiance qu'elle place en moi. Ma main est toujours au creux de la sienne.

"Merci, Magdalena." C'est fort peu en comparaison de ce qu'elle vient de me donner, mais ça fait fort longtemps que je n'ai été d'une si entière sincérité. Je… J'ose m'évoquer un mot qui m'effraie, et qui me traverse pour la première fois de mon existence: amoureuse. Serais-je en train de tomber amoureuse de Magdalena ? Ce n'est ni du désir sexuel, ni l'attrait d'une expérience nouvelle. Non, c'est tout autre chose. Une chose bien plus profonde, bien plus intense. Oui, je crois que c'est ça, que je suis en train de tomber amoureuse de Magdalena. Pour une surprise, elle est de taille, sans jeu de mots déplacé ! Il doit bien y avoir une décennie que j'ai cessé de tomber amoureuse, que j'ai accepté qu'il valait mieux que je ne tombe plus amoureuse, que m'attacher à un homme autrement que pour mon propre plaisir sexuel n'avait rien de bénéfique pour moi, et nuisait autant à ma santé mentale qu'à la bonne marche de ma fierté dans la vie, mon travail. Je prends, je consomme, je jette, je ne souffre plus. Ca m'a été salutaire, de devenir une garce. Et voilà que ce sentiment que j'avais fini par oublier me retombe dessus sans prévenir. Sauf que là, c'est différent. Sauf que là, c'est Magdalena. Sauf que malgré son gabarit, Magdalena ne m'inspire aucune inquiétude. Et que pour Magdalena je me relancerais volontiers dans l'aventure. Magdalena, ce grand bout de femme tout fragile… Brave petite.

"Vous êtes songeuse. Vous ai-je importunée ?", s'inquiète-t-elle soudain. "Oh non, bien au contraire ! Mais oui, je songeais à toi." Je la sens intriguée. "Moi ?" "Oui, toi. Je me disais que le destin est un sacré farceur. Me faire tomber en panne dans ce trou paumé… pardon: charmant petit village…" Elle rectifie: "un charmant trou paumé", et je focalise alors sur le mien. Que voulez-vous… Je reprends: "Bref, pour m'amener à faire ta connaissance". Elle ne sait si elle doit sourire ou non. Je pose ma main sur sa joue. Maintenant elle sourit. "Que dois-je comprendre ?", me demande-t-elle. Je pense avoir rougi: "la plus vieille et plus banale chose sur cette terre, et pourtant la plus difficile à exprimer…" "Oh ??", s'écrie-t-elle. "Oui", réponds-je, "et maintenant je m'en remets à toi. Décide si tu souhaites poursuivre, ou qu'on en reste là." Elle choisit à mon soulagement la première solution. Je me rapproche d'elle, et nos bouches s'embrassent. J'en profite pour l'enjamber, elle pivote sur le dos. "Nous en étions là, si je me souviens bien", dis-je. "C'est bien avec une fille, que vous voulez le faire ?" Je rectifie: "Non, c'est avec toi, Magdalena".

Ses grandes mains me parcourent avec une infinie délicatesse. Je frissonne. Nous émettons toutes deux des soupirs entendus, alors que nos langues ne se quittent plus. Je ne saurais dire combien de temps nous sommes restées ainsi, je sais juste que mon désir précédent s'est rallumé, encore plus fort, encore plus ardent, qu'il ne l'était. Au point que, n'en pouvant plus, je me sors de dessus elle. "Pourquoi partez-vous ?", me gémit-elle, aux abois. Je m'empresse de la rassurer de nouveau: "Je ne me sors pas, Magdalena, je change de sens", en insistant bien sur son prénom, signe qu'à mes yeux elle est une fille on-ne-peut plus normale. »

-MyLzz59-