Mylène écrit (http://mylene-ecrit.blogspot.fr)
 ( MàJ: 02/01/2014 )


Ceci est un Blog par Mylène (MyLzz59)

La Blonde Amoureuse [Ch.03]

« Le hasard avait voulu que, cet après-midi, mes obligations professionnelles m’amènent non loin de ce bar dans lequel, plusieurs soirs, j’étais retournée juste pour danser avec cette fille qui m’y attendait, apparaissant toujours d’un coup alors que j’étais persuadée qu’elle n’y était pas la seconde d’avant, et qui n’avait prononcé de sa voix envoûtante que de rares mots "Je t’attendais", "j’espérais ta venue", "je suis heureuse, tu es là".. Cette fille qui dansait sans se lasser, m’enlaçait et m’embrassait sans plus parler, jusqu’à ce que, au moment de se séparer à la fermeture, elle baissât les yeux avec un timide "me reviendras-tu" ? Et chaque fois, me retournant au moment de sortir, mes yeux ne la trouvaient plus, comme si elle s’était volatilisée. Chacune de ces fois.. Et toujours ce surprenant foulard qu’elle supportait stoïquement autour du cou, alors que moi j’étais si vite en nage..

Le hasard l’avait voulu, alors je décidai que, pour une fois de ma propre volonté, j’y retournerai, dans ce bar, en début de soirée, après mes obligations. Et cette fois, au lieu de simplement danser ainsi unies, j’essaierai de lui parler. Je ne pouvais décemment continuer de la sorte, alors que je ne savais rien d’elle, excepté qu’elle danse comme une déesse, et qu’elle semblait m’aimer passionnément, me désirer fougueusement, sans même que j’en connaisse la raison, ni l’origine.. Il fallait vraiment que je sache. Que j’aie au moins une bribe d’information à son sujet. Etais-je fêlée à ce point, pour me jeter ainsi dans les bras de cette parfaite et mystérieuse inconnue ?

Il faisait encore jour quand j’entrai dans le bar. L’ambiance n’avait pas encore démarré, seuls quelques habitués sirotaient tranquillement.. Je m’installai au comptoir, comme à mon habitude, face à la photo.. Comme je devais la fixer intensément, le patron m’adressa la parole :

"Elle était belle, hein ?" Interloquée j’étais.. "Comment ça, était ??", fis-je, en avalant ma salive. Là il m’expliqua la tragique histoire de cette fille, une jolie paumée qui avait pris l’habitude de venir dans ce bar, à l’époque, il y a une décennie de cela. Elle entrait, disait juste bonjour, et sans plus guère parler se soûlait de musique et de danse, seule, au milieu de la piste.. Oh, nombreux furent ceux qui tentèrent leur chance parmi les mâles habitués du lieu, mais elle les rembarrait tous poliment.. Puis un jour, une autre jeune femme, que son chevalier servant n’avait pas accompagnée (selon ses dires), accepta son invitation à danser. Elles tombèrent a priori amoureuses, car chaque soir qui suivit elles se retrouvèrent sur cette piste, pour danser, enlacées dans un bouche-à-bouche interminable, se fichant éperdument des autres clients.. jusqu’à ce qu’un soir le copain de l’autre fille refasse surface, une vingtaine de jours plus tard..

Il fit un esclandre, en entraînant sa copine par le bras. La blonde les suivit hors du bar, en hurlant et en tentant de les séparer. On ne sut ce qui s’était passé, on retrouva seulement le corps de cette fille blonde, le lendemain, dans la ruelle, égorgée, gisant dans son sang, caché derrière une poubelle.. Cette photo, la seule qu’il ait d’elle, il l’a gardée comme pour honorer la mémoire de la belle discrète dont il ne savait rien de plus.. Il ne revit jamais ni l’autre fille, ni le gars.. Dieu seul sait ce qu’il lui a bien pu lui faire, à l’autre fille..

Je décidai afin de tenter de me rassurer moi-même, de considérer ce récit comme une vaste plaisanterie que ce type devait aimer à narrer à des pigeonnes comme je devais en avoir copieusement l’air.. Sincèrement, je ne réussis pas vraiment à m’en convaincre.. Quelques sourires idiots à son attention, qui n’avaient aucune chance de donner le change..

Rester, l’attendre, en avoir le coeur net. Voilà ce qui me traversa l’esprit. Le soir tombé, j’était toujours accrochée à mon verre, les yeux fixés sur la photo. Mon impatience de la retrouver était décuplée aujourd’hui. J’appréhendais autant sa venue, que de ne pas la voir..

Enfin, tard, sur un slow rock, elle fit son apparition, et l’envoûtement recommença, je finis dans ses bras, sa langue dans ma bouche. Me concentrer, ne pas perdre le fil de ma résolution. Et si je la perdais ? Si je mettais fin à ce rêve ? En même temps, si elle était la fille de la photo, la morte d’il y a dix ans, qu’étais-je en train de faire, là ?

Elle dut sentir mon émoi, enfin un émoi intérieur différent des précédents, car elle s’arrêta de danser, de sourire, et m’interrogea de ses grands yeux tristes. "Tu n’es pas avec moi ce soir. Ca ne va pas ?" "Je.. J’ai besoin de prendre l’air. Accompagne-moi !" Elle cligna des yeux : "Je ne peux pas.. Je ne dois pas..", bégaya-t-elle. J’insistai : "Moi je vais sortir. Si tu tiens à moi, alors suis-moi. Sinon je partirai, et tu ne me reverras jamais !" Je me fis peur de tant d’aplomb, face à cette fille, qui n’en était peut-être même pas, ou plus, une.

Je ne pouvais plus faire machine arrière, alors je fonçai d’un pas décidé, comme si j’avais des oeillères.. J’essayais de ne pas trembler.

Bingo, elle me suivait, en suppliant pour que je renonce à sortir. Sans lui adresser le moindre regard, je fonçai vers le banc, un peu plus loin sur le trottoir, priant pour qu’elle me suive jusqu’au bout.. Elle s’est assise à côté de moi, sur ce banc. Toujours sans la regarder, je lui avouai : "Tu connais les sentiments que tu as fait naître en moi, je ne veux pas les remettre en cause, mais.. Mais comprends-moi, je ne sais rien de toi, et puis.." Elle m’interrompit : "Tu veux parler de la photo ?

"Un nouvel éclair me traversa l’échine. Ce que je redoutais aurait donc un fond de vérité ? "Ne me dis pas.." Elle m’interrompit de nouveau : "Si, c’était bien moi. Enfin, celle que j’étais encore, il y a dix ans. Dix longues années de noir, de ténèbres, de froid intense. Et puis récemment j’ai su. J’ai su que tu allais venir. De nouveau la vie coulait en moi, la flamme se rallumait..

"J’ignore comment mon coeur n’a pas lâché. Tournant la tête dans sa direction, je perçus une réelle panique en elle. Pourtant, je portai l’estocade. "Enlève ton foulard !" Elle me fixa, et de grosses rides apparurent sur son front : "Pitié.. Ne gâche pas tout.. Dix ans que je t’attends.. Dix ans à souffrir.. Ca ne peut finir ainsi.. Pas maintenant, pas comme ça.. C’est trop horrible.." J’insistai : "Enlève ton foulard ! S’il te plaît, j’ai besoin de savoir !

"Sur son visage coulaient désormais de grosses larmes, et sa main s’approcha de son foulard. "Pitié, je t’aime..", émit-elle, en l’enlevant, découvrant une énorme plaie béante, de toute la largeur de son cou, une plaie noire ouverte entourée de peau bleu pâle..

"Ho, mademoiselle ! Réveillez-vous !" Je repris connaissance, sur ce banc, le patron du bar était debout face à moi. "Une jeune femme a crié à votre secours, vous étiez évanouie.."

"Et la fille blonde, où est-elle ?", lui demandai-je. "Quelle fille ?", me rétorqua-t-il..
»


(publié dans FG le 07/05/2008 à 20h40)

-MyLzz59-

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