Mylène écrit (http://mylene-ecrit.blogspot.fr)
 ( MàJ: 02/01/2014 )


Ceci est un Blog par Mylène (MyLzz59)

La Blonde Amoureuse [Ch.04]

« Il s’écoula une vingtaine de jours avant que je ne me décide à remettre les pieds dans ce bar.. Une vingtaine de jours à rester le plus souvent, le plus longtemps possible enfermée chez moi, à ne voir personne, à m’isoler de tout, cloîtrée dans une forme de peur panique tant incontrôlable qu’inexplicable. Le moindre bruit, la moindre chose inhabituelle, me faisait sursauter. Une paranoïa suraiguë..

Et soudainement, me vint le déclic qui me fit sortir de mon état. Une simple réflexion, si ..évidente, que je me demande franchement pourquoi il m’aura fallu tant de temps.. Clairement, de quoi avais-je vraiment peur ? De cette fille ? En toute objectivité, je ne puis qu’admettre qu’à aucun moment elle n’avait manifesté la moindre intention de me faire du mal, le "pire" que j’aie été amenée à subir d’elle, c’était ses baisers, doux, fougueux, c’était sa langue dans ma bouche, vous parlez d’un "supplice".. Il me fallait donc repartir là-bas, et de toute urgence. Je devais la retrouver, cette fille blonde morte ou pas, et dans tous les cas lui expliquer.. Lui expliquer quoi ? Qu’allais-je lui dire ? Comment d’ailleurs mettre en mots ce que moi-même je n’étais pas capable de m’expliquer ? Et comment allais-je réagir, si elle se présentait à moi sans son foulard ? Allais-je .. ?

Je décidai de passer outre ceci, de laisser mon instinct prendre les décisions, aller vers elle tout naturellement, en espérant qu’elle comprenne.. Qu’elle comprenne que je n’ai jamais été préparée à être confrontée à pareille situation ! Toute à mes réflexions, je réalisai que j’étais sur le point de ..demander à une morte d’avoir l’indulgence de ne pas s’offenser de ma difficulté à adapter ma perception de "vivante" à l’intégration de son statut de "morte néanmoins vivante". Malgré moi, je ressentis le besoin de m’asseoir..

J’avançais d’un pas hésitant. Durant tout le trajet en direction du bar, tour à tour deux images contradictoires s’opposaient dans ma tête. Sa beauté resplendissante, sur la piste, quand, déesse lascive, elle exécutait à mon attention ses danses qui m’ont attirée dans ses bras sans coup férir.. Et de l’autre cette chose horrible, cette plaie béante, putréfiée, cette preuve indéniable de sa mort par égorgement, qu’elle dissimulait sous ce foulard à propos duquel j’ai tant insisté pour qu’elle l’enlève devant moi..

Je marquai un arrêt face à la porte du bar. Quelque chose clochait, je n’aurais su l’expliquer, je le ressentais, voilà tout.. Etait-ce simplement moi ? J’entrai, et allai m’installer au comptoir, sur mon tabouret habituel. Malgré le monde dans ce bar, la place était restée libre, comme si elle m’attendait. Je commandai une coupe du truc fluo que j’avais fini par affectionner, mais dus me contenter d’une mauvaise bière, pour cause de rupture de stock.

Les styles de musique se succédaient à mesure que la soirée, puis la nuit, avançait, et je dus me rendre à l’évidence, "ma" belle blonde ne s’était pas manifestée. J’avais à de nombreuses reprises concentré mon regard sur la photo, toujours en bonne place sur le pêle-mêle, mais il me fallut davantage fixer mon attention comme si la photo également se cachait à moi, me paraissait moins lumineuse..

Penaude, je me levai, après un dernier coup d’œil à la photo, et en me dirigeant vers la sortie saluai le patron qui finissait de remettre de l’ordre dans la salle avant de fermer. Tête basse, je regagnai mes pénates..

J’avais bien envisagé approximativement toutes les alternatives, mais il m’était apparu si évident que j’allais la retrouver, qu’à aucun moment je n’avais supposé que cette fille pouvait ressortir de ma vie, aussi soudainement qu’elle y était entrée. Je me leurrais. Avais-je d’ailleurs eu la moindre pensée pour elle, pour ce qu’elle avait dû ressentir, lorsque je lui ai imposé autant qu’à moi ma période de claustration ? Elle était en droit de m’en vouloir, légitimement.

Assidûment, je retournai soir après soir dans ce bar, répétant ce manège consistant à commander la boisson fluo en vain pour me retrouver avec la même horrible bière que je finis par ne même plus entamer, attendre en vain ma morte blonde jusqu’à la fermeture, éconduire quelques individus mâles toujours prompts à vouloir me consoler par une sorte de charité à gros sabots, passer de plus en plus pour la tarée que je devais sans doute être, et repartir chez moi comme j’en étais venue.. Seule..
»


(publié sur FG le 15/05/2008 à 20h17)

-MyLzz59-

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