Mylène écrit (http://mylene-ecrit.blogspot.fr)
 ( MàJ: 02/01/2014 )


Ceci est un Blog par Mylène (MyLzz59)

L'Improbable Vécu... [Ch.04]

« Il faisait encore nuit noire, le soleil ne se lèverait probablement pas avant encore une bonne heure et demie, mais Mylène savait qu'elle ne le verrait pas d'ici le milieu de l'après-midi. Une de ces nuits sans lune et sans étoiles, une de ces nuits où seule la faible lueur des rares éclairages publics permettait de distinguer un tant soit peu les constituants du décor environnant. Mylène tremblait, bien qu'elle n'aurait osé l'avouer à quiconque. Non par peur, car cette route, elle la connaissait presque par coeur, elle l'avait arpentée maintes fois depuis toute petite déjà, à pied, en vélo, en voiture, parfois même tard le soir... Non de froid, son inhabituel accoutrement qui allait dès ce matin devenir son quotidien pendant presque un mois la préservait de la fraîcheur de cette nuit d'un début avril frileux.

Son accoutrement, qu'elle étrennait ici, parlons-en, une magnifique paire de bottines de sécurité noires qui même avec la meilleure volonté ou la pire des inattentions n'aurait au grand jamais pu passer pour des chaussures de ville, surmontées d'une superbe combinaison intégrale de toile épaisse, avec une fermeture allant du cou à l'entrejambe, communément appelée bleu de travail. Ces accessoires flambant neufs, constituaient une partie de l'équipement obligatoire qu'elle aurait à porter pendant toute la durée de son stage, et lui avaient été gracieusement offerts par l'entreprise vers laquelle elle se rendait de ce pas si alerte, en pleine nuit.

Vu qu'elle serait, et pour cause, la seule fille dans cet univers uniquement masculin depuis presque un siècle, et qu'une dérogation des plus exceptionnelles lui avait été accordée juste pour ce stage qui prenait un caractère vraiment unique, il lui avait été demandé, limite ordonné, de ne pas se joindre à ces messieurs lors du changement de tenue d'avant poste, et encore moins pour le décrassage dans les douches collectives, après la journée de travail. A vrai dire, Mylène s'en fichait éperdument, de se retrouver au beau milieu de ces travailleurs de force qui, noirs d'une dure journée de leur quotidien labeur, se dévêtaient totalement afin de se doucher, alignés dans ces douches collectives. Au contraire, elle aurait ressenti comme un signe supplémentaire d'intégration, si besoin était, que de faire partie de cette chaîne humaine où chacun frottait au savon le dos de celui qui se tenait devant lui.

Mylène s'en fichait éperdument, qu'aucune installation n'existât en vue de lui permettre de s'isoler de ces messieurs, mais elle comprenait fort bien le fondé de cette interdiction, non pas par rapport à elle, mais afin de ne pas susciter de perturbation, gêne ou comportement déplacé, parmi certains d'entre ces messieurs... Peu lui importait, puisqu'en cette nuit où elle avançait seule sur le bas-côté de la route, Mylène frissonnait de savoir qu'elle allait enfin vivre l'expérience dont elle rêvait depuis toute petite, et qu'encore quelques temps auparavant elle n'aurait jamais supposée possible.

Toute à ses réflexions intérieures, Mylène avait quitté le village, et avançait machinalement le long de ce chemin champêtre. Plus aucun lampadaire ne l'accompagnait maintenant, mais elle connaissait suffisamment les profonds fossés, pour être capable de les éviter les yeux fermés. Seules deux puissantes lumières au loin devant elle la guidaient, telles un phare vers son port de destination. La nuit n'aide pas à apprécier réellement les distances, et ces points lumineux, pourtant si familiers, lui semblaient à une éternité de marche. En fait, cette éternité correspondait à l'impatience de Mylène de toucher enfin à son but...

Mylène aurait vraiment voulu que son Papa puisse l'accompagner pour cette première journée, au moins jusqu'à la grande porte en acier forgé. Elle lui aurait tenu fièrement la main, bien qu'elle ait largement passé l'âge de faire ce geste. Elle aurait vraiment voulu sa présence, non par peur, non qu'elle ne fût pas capable de s'y rendre seule, mais pour avoir quelqu'un à qui communiquer silencieusement cette foule de sentiments intenses qui l'animaient sous cette nuit noire. Hélas, son Papa n'avait pu au mieux que lui promettre de faire le maximum pour l'attendre en fin de poste, s'il réussissait à se libérer de ses obligations... A moins qu'elle finisse sa journée sur les rotules, tombant de fatigue, Mylène savait déjà qu'elle passerait la soirée à parler, parler, parler... Que face à des émotions qu'elle présumait déjà trop intenses pour être gardées par son jeune coeur seul, elle aurait besoin de partager. Et que ses parents seraient là pour l'écouter, jusqu'à largement plus soif...

A mesure qu'elle avançait, qu'elle se rapprochait, le bruit des machines se faisait plus perceptible. Un grondement dans lequel il lui était impossible de distinguer un son en particulier, tant tout tournait de concert. Ce grondement qu'elle connaissait, pour l'avoir déjà côtoyé ailleurs à plusieurs reprises, lors de trous dans son emploi du temps scolaire...

Les points lumineux qui l'avaient guidée s'étaient tellement rapprochés, qu'ils trônaient désormais quasiment haut au-dessus d'elle... Ces points, en fait d'énormes spots éclairant les chapeaux des deux imposants Chevalements*, ceux-là mêmes qu'elle avait maintes fois admirés au loin, depuis sa fenêtre...

Ainsi mises en valeur, les Molettes* effectuaient de façon visible, des cycles de rotation de plusieurs dizaines de secondes chacune, entrecoupés de courts moment pendant lesquels avaient lieu les échanges entre les berlines* remontant du Fond* et celles qui allaient y descendre. Mylène resta ainsi, debout, immobile, à les contempler faire leur fier travail. Bien qu'elles appartenaient depuis toujours à son paysage, elle ne les avait jamais vues d'aussi près la nuit. L'effroyable impression de n'être rien à côté de ces majestueuses roues d'acier la saisit. Elle secoua la tête comme pour chasser cette dernière pensée, et reprit d'avancer d'un pas encore plus décidé en direction de la petite ouverture, le passage piétonnier, dans l'immense porte fermée.

"Qui va là", cria le garde, qui ne s'attendait pas à voir du monde, alors que le changement de poste ne s'effectuerait pas avant trois quarts d'heure. Mylène sursauta de surprise mais pas de peur. Dans son scénario, elle allait entrer jusque face au bureau de la personne qui l'attendait, frapper, et lorsqu'il ouvrirait se présenter fièrement, d'une façon presque militaire. Elle n'avait nullement envisagé que le lieu comportait un poste de garde. Elle n'eut pas le temps de voir le gardien, qui lui braqua d'entrée une puissante lampe dans la figure, songeant à un voleur... "Oh !! Ca par exemple !!", fit-il, en découvrant le visage de son rôdeur nocturne. Il sortit le faisceau de ses yeux, et appuya certainement sur un bouton de sa lampe, qui devint un éclairage omnidirectionnel bien plus faible. Aveuglée mais toujours aussi décidée, Mylène déclina son identité, expliqua l'objet de sa venue, donna le nom de la personne qu'elle devait rencontrer, fit quelque excuse auprès du gardien pour l'avoir si promptement passé, ce à quoi il répondit lui aussi par des excuses, puis elle lui demanda, maintenant qu'elle n'y voyait temporairement plus rien, de bien vouloir la conduire à l'intérieur du bâtiment, rejoindre son interlocuteur.

"Oh la vache, c'est puissant, votre truc... Largement plus violent qu'un photomaton !!" (celles et ceux qui ont connu les flashes des anciens photomatons à pellicule me comprendront). "Je suis désolé. Ca commence à passer ?", puis "Attention, y'a trois marches.." répondit-il en la tenant par le coude. Arrivés (certainement, car l'effet du projecteur commençait seulement à se dissiper) face à la porte du bureau, le gardien lui demanda d'attendre dans le couloir alors qu'il frappa et entra quand une voix l'y invita. Les quelques minutes qui suivirent permirent à Mylène de recouvrer la vue, juste avant que la porte se rouvre, que le gardien se faufile pour sortir reprendre son poste, et que le monsieur qui l'attendait sorte l'accueillir...
»

Cette Histoire est interrompue ici pour l'instant.. A suivre ?
-MyLzz59-

Rem:
La photo ci-dessus vous donnera une idée de la taille d'une Molette*.
La jolie mannequin qui pose devant s'appelle Aïcha, et si
vous souhaitez la mater voir d'autres photos d'elle, voici son site (lien H.S.).

7 commentaires:

Leïla a dit…

Alors par quoi vais-je commencer ?
;)

Sérieusement, Mylzz, mais qu'est-ce que tu fabriques à bosser pour une obscure boîte oups pardon à pianoter au fond d'un bar ALORS QUE tu pourrais passer ton temps à écrire ??!!!
Envoie ton manuscrit à un éditeur ... et s'il est assez futé, il pourrait même la proposer à un producteur ...
Je suis FAN. Continue. Bisous !

MyLzz59 a dit…

Grand Merci Leïla !!
-MyLzz59-

margouillat a dit…

Sincèrement MyLzz59, je reste sans voix devant un tel talent...:-)
Et là, je reste sur ma faim...frustrée...
Donc à quand le prochain volet de ton (improbable) vécu ?

Biz,
Margouillat

MyLzz59 a dit…

Grand merci aussi, Margouillat !!
Euh.. Dès que j'aurai trouvé le temps de l'ècrire ;-D
-MyLzz59-

Stephane a dit…

miam-miam! la suite!

voila un univers qui m est totalement etranger.Il n y a jamais eu de mineur-femme?je ne m etais jamais posé la question;c est etonnant,non?!

zeste de fille a dit…

as usual, c'est très bien écrit, rien à dire là dessus. Bien à tomber (j'ose espérer que tu connais l'expression...) qu'elle se retrouve dans cette "galère", la petite mylène...! Elle ne pouvait pas trouver un stage de couture, comme tout le monde? On espère tous qu'elle va s'en sortir comme une reine!

MyLzz59 a dit…

A Stéphane: Oh si, ça a existé, des Mineurs femmes.. L'interdiction de descendre au Fond pour les femmes date de 1876. Auparavant, elles y exerçaient tous métiers, sauf abattage, depuis elles se sont retrouvées au Jour (surface), par exemple au Triage (séparation charbon-cailloux), à la maintenance des lampes, etc..

A Zeste: Quelle galère ? Donne-t-elle l'impression de ne pas l'avoir justement choisi, ce stage ? Et moi, de lui faire vivre "en vrai" ce que je n'ai pu connaître qu' "en faux".. Aussi, j'essaierai de vous le retranscrire le plus fidèlement possible, en extrapolant à partir de ma p'tite expérience, de récits divers dont ceux de feu mon Papa, etc..

Bisous,
-MyLzz59-