"Ma Chérie, Mon Amour", ou
L'Histoire d'une Impossible Love-Story
(P) Mylène 10/1989« Alors que Gaétan et sa bande étaient déjà en train d'asséner au ballon de volley tous les coups possibles, dérangeant au maximum les autres garçons qui se changeaient dans la salle, rien dans le vestiaire des filles ne pouvait laisser présager que se tramait dans toute la secrète discrétion du destin un événement fort important, un événement de ceux qui bouleversent et marquent à jamais plusieurs existences...
Dans le vestiaire des filles l'on se mettait en tenue bon train. En tout honneur, et avec les plus nobles intentions, volaient les maillots, les jupes, les pantalons, s'exhibaient les soies, les dentelles, les sous-vêtements, s'enfilaient les tenues de sport.. Dans un coin, en se dévêtant, à plusieurs reprises, le corps de Jocelyne frôla celui de Marie-Françoise, qui se trouvait fort gênée de ce sans-gêne et de cette "invasion de son territoire". Les propos fusaient d'un peu partout. Marie-Françoise venait de ranger son chemisier dans son sac, lorsque deux index joints se placèrent contre sa colonne vertébrale, entre ses épaules, juste au-dessus de l'attelle de son soutien-gorge. Des lèvres se posèrent délicatement sur son cou, et timidement y déposèrent un tendre baiser. Etonnée, Marie-Françoise se retourna et vit sous les deux yeux inquiets de Jocelyne l'esquisse d'un sourire amical. De sa main gauche, à laquelle scintillait un magnifique bijou aux reflets rouges, elle lui décocha une de ces gifles magistrales dont elle avait le secret, ce qui eut pour effet de la faire pivoter et tomber au sol, où elle resta, effondrée, le visage dans ses mains cachant sa détresse. Les filles se divisèrent et rejoignirent la salle de leur activité, abandonnant Jocelyne qui tentait péniblement de se placer en indienne...
La salle de gym bouillonnait d'une certaine activité. Partout des corps de jeunes femmes en mouvement ruisselaient de l'effort qu'elles fournissaient.
- Dis, Marie-Françoise. Tu ne crois pas que tu y es allée un peu fort ?
- A propos de quoi, Connie ?
- Cette gifle que tu as donnée à Jocelyne. Pourquoi est-ce que tu l'as giflée ? Qu'est-ce qu'elle t'a fait ?
- Elle m'a embrassée. Alors je l'ai giflée, répondit-elle froidement.
- Seulement pour ça ? Ça valait vraiment le coup ?
- Elle m'a fait peur, Connie. Après qu'elle m'ait embrassée, j'ai vu dans ses yeux une lueur étrange. Ils brillaient. Comme les yeux de Gaétan, lorsqu'il me désire...
Connie sourit :
- Tu voudrais me faire croire que Jocelyne aurait essayé de... Qu'elle aurait voulu... Qu'elle serait... ?
- Mais, elle m'a embrassée dans le cou !!
- Et alors, ça prouve quoi ? Elle voulait tout simplement être gentille avec toi, et tu l'as giflée. C'est méchant.
- Tu as raison, Connie. Tout à l'heure, en revenant, j'irai lui présenter mes excuses...
Les deux heures de sport écoulées, les filles revinrent au vestiaire. Jocelyne n'avait pas bougé d'un pouce, elle était restée là, assise en Indienne à même le sol, le visage enfoui dans ses mains.
Marie-FranÇoise s'approcha.
- Jocelyne.
Elle releva la tête, la fixant de ses grands yeux en fontaine. Marie-Françoise resta pétrifiée. Du sang avait coulé sur tout son visage, et sur sa jupe imprimée aux couleurs claires. La bague avait fait éclater son arcade sourcilière et le choc avait été suffisant pour son nez fragile...
- Ne prends pas cet air désolé, je ne t'en veux pas. Il ne faut pas te culpabiliser, tout est entièrement ma faute. Ta gifle, je l'avais méritée. Jamais je n'aurais dû t'embrasser. Pas comme ça. Je n'ai pas su avoir la patience dont j'aurais dû faire preuve. Tu ne t'y attendais pas, ça t'a effrayée. Est-ce que tu accepterais de me pardonner, dis ?
Ses larmes continuaient de couler leur désarroi.
- Mais pourquoi, Jocelyne ?
- N'as-tu donc pas compris ?
Ce qu'avait cru comprendre Marie-FranÇoise lui faisait peur.
- Tu ne peux pas rester ainsi. Viens à l'infirmerie. Tiens, prends mon gilet.
Elle recouvrit son soutien-gorge taché de sang avec le gilet dont elle respira profondément le parfum de l'effort de Marie-Françoise...
Au sortir de l'infirmerie, elles regagnèrent les vestiaires. Seule Connie était restée pour garder les affaires. Tout en se changeant, Jocelyne réengagea la conversation :
- Marie-Françoise...
- Mmh ?
- Dis.. A propos de tout à l'heure, tu n'as réellement pas compris ?
Elle s'approcha, et plaça ses nains sur tes épaules de Jocelyne :
- Je t'en prie, restons-en là. Tu me fais peur. Nous sommes amies, n'est-ce pas ? Alors restons-le.
- Alors tu n'as pas compris. Je ne veux pas que tu aies peur de moi. Je ne veux pas te faire du mal, au contraire, je ne veux que ton bonheur. Je ne veux que te rendre heureuse.
Elle tomba à genoux à ses pieds, les mains sur ses hanches :
- Je t'aime, Marie-Françoise.
Connie, qui avait assisté à cette déclaration, se sentait totalement dépassée par les événements. Marie-Françoise avait levé de nouveau la main gauche, le visage rougi par sa gêne de cette situation. Jocelyne ne recula pas, elle baissa juste les yeux :
- Vas-y. Ne retiens pas ton coup. Si ça peut te soulager. Seulement, ça ne changera rien à mon amour pour toi.
Par dépit, la main de Marie-Françoise retomba, renonçant à la gifle. Elle se recula, et partit s'asseoir sur le banc, où elle ne put retenir ses larmes. Jocelyne, déséquilibrée par ce recul, tomba en avant sur ses mains. Sur les genoux, elle s'approcha, et essuya délicatement les yeux humides :
- Il ne faut pas pleurer, Marie-Françoise. Je ne veux pas que ces yeux versent de larmes. Ils sont trop jolis pour couler. Ça les abîmerait...
- Pourquoi ? Pourquoi ? Mais pourquoi moi ? Oh, Jocelyne. Mais il y a tant de garçons ici. Il y en a forcément un qui soit ton type d'homme. Alors pourquoi moi ?
- Mais parce que c'est toi, mon type d'homme. J'aime tout en toi. Tes yeux, ton visage, ta coiffure, ta façon de t'habiller, de marcher. Tu as de l'allure, de la prestance. Depuis que je t'ai vue, droite et fière, mon coeur ne bat plus que pour toi.
- Et là, maintenant, est-ce que tu crois que j'ai l'air de ton prince droit et fier ? Est-ce que tu vois que je ne suis qu'une fille ? Rends-toi à l'évidence, tu es amoureuse d'une chimère, je ne serai jamais celui qu'il te faut. Ce ne sont que des vêtements, une apparence, une illusion. Je suis une fille, moi. Et je suis normale. J'aime un garçon qui s'appelle Gaétan. Tu es peut-être jolie, peut-être sympathique, mais tu ne m'attires pas.
Jocelyne posa ses mains sur les genoux de Marie-Françoise, et dans une caresse remonta lentement sur les cuisses. Celle-ci tenta de l'en empêcher en lui bloquant les mains, mais ne réussit qu'à arrêter la progression.
- Comme ta peau est douce et chaude, Marie-Françoise. Ecoute, laisse-toi une chance. C'est peut-être encore trop tôt. Je ne te demande pas grand chose, tu sais. Juste une soirée. Accorde-moi juste une soirée. A nous deux, seulement toi et moi. Et si en te réveillant le lendemain tu n'es toujours pas convaincue de mes sentiments, de ce que j'ai à t'offrir, de ce que je désire t'apporter, alors je partirai. Je sortirai pour toujours de ton existence, et tu n'entendras plus jamais parler de moi, et de mon amour. Plus Jamais...
Voyant les yeux de Jocelyne se troubler, Marie-Françoise lui lâcha les mains en soupirant.
- Ne prononce pas les mots toujours et jamais. Ils sont trop forts, ils me font peur. Tu n'es pas une fille normale. Je crains ce que tu appelles tes sentiments. Je redoute le pire.
- Mais, Marie-Françoise, je ne te demande qu'une chance. C'est pas beaucoup, dis. Je n'ai pas droit à une chance, moi aussi ? Sortons ensemble, ce soir. Je viendrais te chercher, tu m'offrirais la nuit, moi je t'aimerais de tout mon amour, et si ça ne marche pas entre nous, ça s'arrêterait là, tu serais définitivement débarrassée de moi...
- Ce soir non je ne peux pas, je ne peux vraiment pas. Je dois rédiger mon protocole, et puis il faut que je révise pour le devoir de samedi. Une autre fois, peut-être...
Jocelyne se releva, se retourna, et marcha lentement en direction du mur, sur lequel elle appuya son front.
- Oui, peut-être, peut-être une autre fois. Peut-être, peut-être...
Entra Gaétan.
- Salut, ma meuf', t'es libre ce soir ? J'ai justement des idées géniales et des envies super. Ca t'branche ?
- Non, euh.. N-non, Je ne peux pas, il faut que.. Tu sais ? Non, je ne peux pas, non.. Oui.
Elle venait de craquer aux yeux de son amour.
- Dis, Connie, est-ce que tu pourrais.. ?
Elle l'interrompit :
- Ça va, j'ai compris, je vais me taper le protocole toute seule !
C'en fut trop pour le coeur de Jocelyne, qui s'enfuit en larmes.
- Jocelyne ! s'exclama Connie, puis, tout bas : Pourvu qu'elle ne fasse pas de bêtise... »
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