Mylène écrit (http://mylene-ecrit.blogspot.fr)
 ( MàJ: 02/01/2014 )


Ceci est un Blog par Mylène (MyLzz59)

15 Août 2012 [Ch.03]



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ce Chapitre (00:07:19)


« Je soupire de nouveau, un peu de poussière noire semble sortir de ma bouche. Ce qui cloche, c'est que je ne sens rien. L'odeur de cramé est, je crois, très forte, or je ne la sens pas. Je réalise soudain qu'à part en essayant à l'instant de renifler l'air, je …ne respire pas !! Je porte ma main à mon front pour un signe de croix, je suis horrifiée. Ma main est horrible, marron foncé, la peau a comme fondu, elle est squelettique ! J'aurais bien avalé ma salive, s'il m'en était venu. Je me relève, je ne ressens rien, pas de douleur. Pas la moindre sensation non plus. Dans quel état suis-je réellement ? Je penche la tête, et ce qu'il me semble apercevoir m'effraie, je suis …un corps calciné, moi aussi ! Comment se peut-il alors que je sois "vivante", si toutefois ce mot s'applique encore à mon état actuel ??? Tout ce qui me vient à l'esprit, c'est prier, et prier encore. Non pour obtenir des réponses, mais pour me raccrocher à quelque chose de connu, de familier.

Des sirènes. Encore ? Elles semblent se rapprocher. Je trouve préférable de m'éloigner, de me cacher. Les sirènes se taisent, mais des lueurs tournantes apparaissent. Des gyrophares. Des hommes en combinaison blanche inspectent le véhicule. Des policiers les accompagnent. "Deux corps, une femme adulte, et un tout jeune enfant", crie l'une des blouses. Des civières entrent en scène. Des photos sont prises. J'entends que la femme adulte est morte par balle dans la tête, et l'enfant de la nuque brisée. Miss n'a pas dû souffrir non plus, c'est toujours ça… "Qui conduisait ?", demande un policier. "Sûrement l'autre gouine", répond un gars en civil, manifestement un commissaire, ou quelque chose comme ça. Expéditif et inélégant, mais exact. "Où est-elle ?" Je demeure la plus silencieuse possible. "Elle a peut-être été éjectée ?" "Elle a forcément péri aussi." Ben ça mon gars, je n'en suis même pas sûre moi-même, me dis-je. Les deux corps sont évacués peu après, et l'épave suivra, tractée par un crochet. J'attends que tous soient partis pour sortir de ma cachette. Me voilà bien, tiens…

Je profite de la nuit pour me rapprocher discrètement du village. Une particularité de mon état est de ne pas ressentir de fatigue. J'effectue le chemin de mémoire, sans croiser de véhicule. Je me réfugie dans la chapelle à l'entrée du village, elle n'est pas abandonnée, mais il n'y vient jamais personne, j'y serai au calme et sous bonne garde, en attendant le jour.

De la lumière me réveille, j'ai bien dormi, du moins en ai-je l'impression. Prête à… Mais à quoi ??? Je revois cette journée cauchemardesque, je soupire. Une envie typiquement féminine me prend, me voir. N'importe quoi, n'importe où, un miroir, ou quelque objet qui en fera office. J'ai peur mais je dois savoir. Savoir au moins si je suis vivante ou morte. Curieuse question ! Oui, il y a un miroir, dans la couronne de l'un des Saints. J'escalade la statue, décroche la couronne, la pose sur une chaise, recule. Quelle horreur !! J'ai l'air d'une momie ! Nue, calcinée, sans cheveux, sans plus vraiment de peau sur moi, je …m'intrigue plus que je ne m'effraie. Je me touche un peu partout, et vérifie que l'image du miroir fait bien de même. Plus de doute possible, cette chose ne peut être que moi. Que suis-je devenue ??? Viendront ensuite les deux questions liées, à savoir "Comment ?" et "Pourquoi ?" "Pourquoi ?", d'ailleurs, plus que "Comment ?" C'est une question qui m'obsèdera toute la journée, pourquoi n'ai-je pas péri avec les deux femmes de ma vie ? Pourquoi suis-je dans cet état de morte vivante fort anachronique, plutôt que vraiment morte dans la carcasse de notre voiture ? Qu'est-ce qui peut bien m'attendre encore ? Je fixe les statues qui m'entourent de leur parfaite indifférence. Je m'agenouille devant une statue en particulier, la Vierge Marie tenant son Fils mort. A travers Lui, je prie pour le repos d'Anne-Marie et de Miss sourire.

C'est décidé, dès la nuit tombée je retournerai à notre maison, si elle existe encore. De toute manière, ici les vieux se couchent en même temps que les poules. Et au pire, si j'en croisais un, il risquerait juste de rejoindre le Ciel un peu plus tôt que prévu… J'en rirais presque. Je tourne en rond sans savoir pourquoi je suis encore ici à tourner en rond. Me reste-t-il quelque chose à terminer, sur cette Terre ? Est-ce là l'explication de mon état "ni, ni" ?? Les statues immobiles de ces Saints m'exaspèrent, mais j'ai trop de respect pour les bouger.

Le soleil couché, j'ose sortir. Comme prévu, calme plat. Pas un chat. Enfin si, j'ai croisé un chat noir. Assis sur un muret, il m'a regardée passer. J'ai tourné la tête vers lui, heureuse d'apercevoir une âme innocente, mais il a poussé un miaulement lugubre et a détalé. J'ai soupiré… Notre maison est debout, mais inhabitable. Un début d'incendie, certainement une canette, en a ravagé l'intérieur. J'écarte les rubans plastiques de police et entre par le garage. Je n'ai aucun sentiment en cet instant, excepté l'impression ridicule d'être assortie au lieu. Je constate simplement les dégâts, je cherche une piste, j'inspecte et me remémore. Les voix ivres tournent dans ma tête. A force, il me semble les reconnaître. J'ai du moins une certitude quant à l'une d'elles. Le fils de l'ancien garagiste, celui qui n'a pas voulu prendre la suite quand son père, devenu grabataire à la suite d'un AVC, a dû lâcher son atelier. L'ordure ! Dire que c'est moi qui ai organisé les préparatifs, au décès du père…

Au mur, un petit cadre n'a pas trop souffert. Je le décroche. L'image d'un bonheur révolu, détruit brutalement il y a je crois deux jours. L'image de deux femmes qui s'aimaient, serrées l'une contre l'autre, souriantes, insouciantes, et devant elles, dans les bras de l'une d'elles, une toute jeune enfant, le fruit de leur amour. Miss sourire devant Anne-Marie et moi, notre famille telle qu'elle aurait dû le rester. Au lieu de ça, plus rien. Trois mortes, dont moi. Trois mortes, ou presque, en ce qui me concerne. Je le plaque contre moi, contre ce qu'il reste de ma poitrine. J'ignore si j'ai toujours un cœur, mais j'ai à jamais une place pour héberger ce chaud souvenir. Je n'ai plus rien à faire ici, plus rien à en attendre, j'embarque le petit cadre avec moi.
»

-MyLzz59-

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