15 Août 2012 [Ch.05]

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ce Chapitre (00:04:26)

« J'entre par la trappe de ravitaillement. Entre diverses caisses de boissons, six ou sept canettes équipées d'une mèche. Les mêmes que celles qui ont incendié notre maison. J'en saisis une, la sens machinalement, j'ai juste oublié que je ne distinguais plus les odeurs. Peu importe, je les lance une par une contre le mur du fond. "Qu'est-ce que… ??" C'est le cafetier, avec son bras bandé. Il allume. Je me montre. Il pousse un cri. "Qu'est-ce que… ??", répète-t-il. Il me regarde, pas tranquille. "Tu ne me reconnais pas ?", dis-je, "C'est vrai que mon aspect a un peu changé, depuis ma mort." Il recule. J'avance. "Je suis revenue pour toi." Intérieurement, je me retiens d'éclater de rire. Il monte une des marches à reculons, je lance la dernière canette dans l'escalier. "Au bûcher les sorcières, n'est-ce pas ?" Sa mâchoire tremble: "Tu tu tu…" Mais à m'amuser ainsi avec lui, je n'ai pas noté l'arrivée de son complice derrière moi. Je me retrouve enserrée dans de puissants bras. "C'est quoi cette chose affreuse ?", demande-t-il. "Je ne sais pas, et je ne veux pas le savoir", répond le cafetier, "Tiens-la, que je termine le travail !" Je ne me débats pas, il est plus fort que moi, ça me desservirait.

Le cafetier réapparaît avec son fusil de chasse, le pointe dans ma direction. Tout bas, je récite un "Notre Père". "Qu'est-ce qu'elle psalmodie, cette sorcière ?", hurle-t-il. Il tire, me perfore le torse. Je ne ressens rien, baisse juste la tête. Les plombs m'ont traversée sans la moindre trace apparente ! Par contre, je sens l'étreinte du complice se desserrer, il tombe à mes pieds, mortellement blessé par la décharge. "Amen", dis-je tout haut. Le cafetier est désorienté, il tente de fuir, mais glisse dans l'escalier et tombe près de moi. J'attrape le cadre que j'avais posé sur l'étagère et le lui mets sous le nez. "Pourquoi ?" Je crie de ma voix d'outre-tombe. Il est comme absent, comme sonné. J'agite la photo devant lui. J'attends une réponse qui ne viendra pas. "Pourquoi, pourquoi ??" "Pitié, je ne veux pas mourir", bredouille-t-il. L'un des Commandements est justement "Tu ne tueras point", même morte je le respecterai. Mais il ne le sait pas. J'en joue. Je récite tout bas d'autres prières, qu'il prend encore pour quelque invocation de sorcellerie. Il crie: "Non ! Noon !!"

Je reçois une nouvelle décharge qui me traverse. C'est le frère du cafetier, du haut de l'escalier. On est enfin au complet, côté méchants. Mon seul réflexe, c'est de protéger le cadre. Apparemment, je suis immunisée, être morte a aussi quelques avantages. "Va-t-en, c'est une des sorcières !", lui conseille judicieusement le cafetier à la patte cassée. "Toi !", dis-je au frère pendant qu'il essaie maladroitement de recharger son arme. Mais il tremble trop pour y arriver. Folie ? Il se jette vers moi en hurlant, je m'écarte, il trébuche dans l'escalier, et finit sa course dans une étagère qui se renverse sur lui. S'est-il assommé ? Il ne bouge plus…

Je prends un nouveau coup de fusil. Décidément, ça devient une habitude ! C'est le cafetier que j'ai quitté des yeux. Les plombs m'ont traversée, et ont fini dans un fût d'alcool fort. Il fuit, et l'alcool s'enflamme. J'enjambe le cadavre et sors par la trappe de livraison. Je la laisse retomber derrière moi. Une dernière décharge l'atteint. Je serre le cadre contre moi, rassurée qu'il n'ait rien. Je retraverse le cimetière et regagne la chapelle. Là, je place le cadre sur un socle vide, m'agenouille, et mains jointes prie. Puissent Anne-Marie et Miss avoir trouvé un lieu non contaminé par la haine et la folie meurtrière à laquelle je suis confrontée depuis notre mort… »

-MyLzz59-