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ce Chapitre (00:06:33)
« Dans la journée, d'autres sirènes se feront entendre. Apparemment, le village est quadrillé par la police. Je vais rester cachée là pour le moment, il y a trop de monde dehors. J'ai bien fait de verrouiller la porte de la chapelle, un policier a essayé d'entrer, un autre a observé l'intérieur depuis le vitrail. Tiens, c'est quoi cette camionnette ? Oh ! La télé s'en mêle !
Du bruit, je prête attention. Une journaliste a retenu le côté bucolique de la chapelle pour enregistrer son sujet. Elle répète son texte en faisant les cent pas. J'essaie d'en capter la teneur, collée contre la porte qui jointe mal. "Ca tourne", dit le gars à la caméra. La journaliste se lance: "Mais quel mystère plane-t-il sur ce petit village d'ordinaire si calme ? Depuis mercredi, jour de l'Assomption, d'étranges événements semblent s'enchaîner. Tout commence par l'interruption de la messe, avec une intervention verbale accusant le curé de la petite paroisse de discrimination, alors qu'il reprenait les propos de l'archevêque de Paris. Puis dans la soirée, le domicile où cette paroissienne décrite comme dévote et bien intégrée, vivait avec sa compagne et la fille de celle-ci, aura été l'objet d'un incendie volontaire, une course-poursuite en voiture s'engagera, durant laquelle des balles siffleront. La voiture des deux femmes sera retrouvée calcinée dans un ravin, avec leurs corps à l'intérieur. Un règlement de comptes de la part de quelques habitants du même village, qui aurait pu rester au rang de sinistre fait divers, si d'autres faits ne s'étaient produits. En effet, aucun des sept hommes de l'expédition punitive n'aura survécu longtemps à leurs victimes. Deux auront été retrouvés asphyxiés par leur voiture, une puissante allemande, dans le garage où ils l'avaient cachée et, bizarrement, la clé de contact se trouvait à l'extérieur, sur le cadenas qui les enfermait. Et les trois derniers ont péri dans l'incendie de la réserve de l'unique café du village, pas plus tard que ce matin, l'un d'eux aurait reçu une décharge de fusil. Deux survivants auraient fait mention, dans chacune des situations, d'une (je cite) 'sorcière calcinée venue demander réparation', avant de succomber l'un et l'autre. Alors faut-il croire au surnaturel, ou supposer qu'ils aient été pris de folie ?"
Durant les propos de la journaliste je n'ai pu m'empêcher de commenter, tout comme j'ai récité une prière pour nos sept assaillants, malgré ce qu'ils nous ont fait. Rebondissement, le preneur de son vient signaler que la prise est inexploitable, car une "voix très étrange s'est superposée" à celle de la journaliste sur la bande. Des mots incompréhensibles, comme "canari", ou "canisse"… Le reportage est diffusé sur un téléviseur de contrôle, et je découvre que ce sont les commentaires que j'ai murmurés, qu'on entend en surimpression, des mots dont "Anne-Marie", ou "la Miss". Je me signe sans trop savoir pourquoi. Le cameraman suggère de garder la bande ainsi, et de réenregistrer un reportage en studio, jouant sur la présence de ma voix pour ajouter au côté "surnaturel". Ils remballent…
Je passerai une mauvaise nuit. Une nuit à cogiter sans comprendre. Sans comprendre ce que je fais encore là. Si quelque chose, ou quelqu'un, a voulu que je survive dans mon état de "ni, ni", c'est qu'il a jugé que j'avais un rôle à jouer, une mission à boucler. J'ai supposé que le Seigneur, ou un de ses représentants, attendait de moi que j'aille trouver nos assaillants. Ce que j'ai fait, et s'ils sont tous morts, je n'en ai tué aucun. Selon moi, j'ai rempli ma mission, et pourtant toujours pas de lumière blanche, pas de tunnel, pas de halo. Suis-je condamnée à cet état de momie, bien loin de ce que j'étais il y a peu, comme sur cette photo, la seule chose à laquelle je m'accroche pour ne pas sombrer ? J'ai cherché, cherché dans mon passé, quelle faute j'aurais pu avoir commise, pour être ainsi privée du droit de rejoindre Anne-Marie et notre Miss, les deux femmes de ma vie, si toutefois il existe un paradis. Car de cela je me suis mise à douter. Tout ce qu'on m'a enseigné, tout ce en quoi j'ai cru avec ferveur depuis ma plus tendre enfance, tous ces préceptes, tous ces dogmes, tout cela ne serait-il qu'arnaque et fumisterie ? Auquel cas, où sont mes femmes ? Evaporées dans le néant ? Non !!! Je dois me reprendre. Chasser à renfort de prières ces viles pensées de mon esprit. Prier pour que me soit pardonné le fait d'avoir osé ainsi douter, tomber dans le piège d'une malheureuse mise à l'épreuve. Me ressaisir. Chercher, et chercher encore, non pas quelque faute non balayée par la Miséricorde du Tout-Puissant, mais en quoi ma mission sur cette Terre ne serait pas encore tout à fait terminée. Prier, et prier encore, pour que germe dans mon esprit la réponse à cette interrogation. Non, mes femmes ne peuvent être dans le néant, elles m'attendent "en haut", je suis certaine que la pureté de leurs âmes n'a pu les envoyer ailleurs, aussi j'aspire à quitter cette enveloppe putréfiée et espère être digne de les rejoindre. Espérance d'une suite infinie de notre amour mutuel, mon amour pour Anne-Marie et le sien pour moi, et de notre amour commun pour cette innocente Miss que nous avons désirée et conçue comme la plus belle preuve de notre amour, dans l'Océan d'Amour que nous promet le Très-Haut.
Si seulement à la place de ces statues figées j'avais un prêtre auprès de qui chercher écoute, conseil et réconfort spirit… Hééé !!! Mais oui, c'est ça !! C'est le prêtre, la dernière personne qu'il me reste à voir ! Je serre contre ce qu'il reste de ma poitrine le cadre qui maintient le lien ténu avec ma vie d'avant. On doit être samedi. Le samedi 18… Dans l'après-midi il doit y avoir un mariage, si je me souviens bien. Puis jusqu'à 19 heures le prêtre reçoit dans la sacristie attenante, et avant de "fermer", il passe dans l'église pour boucler les préparatifs de la messe du dimanche… Une envie de faire un peu de ménage dans la chapelle me prend, histoire de m'occuper durant la journée. J'en viens presque à penser que les choses seraient redevenues normales. En fait, je m'occupe pour ne pas penser à quel point Anne-Marie et Miss sourire me manquent. »


Mylène (MyLzz59)
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