Second texte non publié originellement chez MyLzz59 !!
D'ailleurs, s'il l'avait été, ç'aurait plus probablement été dans la Rubrique Paul & Mick qu'en tant qu'histoire.. Car ce texte se veut à la base une sorte de Coup de Gueule en réponse à une invitation de Mgr Vingt-Trois, cardinal archevêque de Paris, lancée aux prêtres, à lire un papelard honteux et discriminatoire envers les hommes et femmes homosexuels ayant fondé, ou désirant fonder, non seulement un couple stable, mais aussi une famille aimante avec un ou plusieurs enfants.
Cet individu ayant allègrement confondu son étroitesse d'esprit avec le fondement laïc de notre république, il serait grand temps, comme en témoigne le tollé qu'a suscité son envie de buzz, qu'il prenne enfin conscience de la gravité de ses propos..
MERCI DE LIRE ATTENTIVEMENT CETTE MISE EN GARDE


Une histoire vraiment particulière, dérangeante sans doute, de par son thème très lié à ma religion (catholique), et qui est à l'opposé du côté "gentillet" (happy ending) de tout ce que j'ai pu écrire jusqu'ici.

Si cet extrait vous a "calmé(e)", je vous invite à passer votre chemin, quitte à vous rabattre sur quelque autre histoire publiée ici. Sinon, comme nous le disons lors de la Messe, "Que la Paix soit avec vous, et avec votre esprit".

15 Août 2012 [Ch.01]
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ce Chapitre (00:08:52)
« Nous entrons dans l'église, et allons prendre place tout à gauche, au premier rang, comme à notre habitude. Anne-Marie tient par la main notre fille, un adorable sourire en sandalettes dont elle est la mère biologique, et qui est de mon sang aussi grâce à la générosité de mon grand-frère, et moi juste derrière elles, je tiens mon Anne-Marie par la taille. Un jour j'espère, du moins j'espère que nous vivrons assez longtemps pour cela, nous ferons une entrée un peu différente dans ce lieu qui m'a quasiment vue naître, grandir, grandir dans ma foi, et qui a abrité les balbutiements de mon amour pour Anne-Marie, de mes doutes à mes certitudes. Une entrée un peu différente, en blanc toutes deux, comme n'importe quel couple venu chercher la bénédiction de son amour dans une reconnaissance officielle. Echanger nos vœux, Anne-Marie et moi, dans ce lieu où, quelques années avant notre Miss sourire, j'ai moi-même fait mon entrée dans la communauté des croyants par mon baptême.
J'ai beau ne pas céder facilement à la paranoïa, sûre du bien-fondé de mes sentiments, de mon choix de vie en couple des plus fidèles avec mon Anne-Marie, j'ai la désagréable impression que nous sommes particulièrement regardées, épiées même. J'essaie d'en faire autant que possible abstraction, ne serait-ce que pour en préserver Anne-Marie, car étant la plus forte de caractère, je passe quelque part pour "l'homme" de notre couple, un rôle que j'accepte avec humour, si ça peut rassurer quelques "bien-pensants" à notre sujet…
Tiens, la vieille bigote de service tarde à venir me proposer l'extrait du jour, que je monterai lire au pupitre comme d'ordinaire. Pourtant elle sait combien ce jour est important pour moi, déjà évidemment pour sa charge symbolique d'être le jour de Marie, la Vierge élue pour donner naissance au Fils, je ne vais pas vous "refaire le match", vu que le prêtre s'en chargera. C'est aussi que, de par son prénom composé, la femme de ma vie est "naturellement" recommandée à la bienveillante protection de la Mère par excellence. Comme tous les ans, j'ai prétexté le même n'importe quoi au moment de filer vers l'église, pour en douce aller placer au centre de la table du séjour la traditionnelle rose rouge, symbole de mon amour, dans un soliflore. Et comme depuis peu, une seconde rose, rose et en bouton, pour notre adorable Miss sourire.
Miss imite les grands en faisant semblant de lire le programme photocopié du jour, mais elle le tient à l'envers. J'y lis le mot "famille", ma première pensée va évidemment à ma compagne et notre Miss, pourtant un arrière-goût amer va se préciser quand je vais me pencher plus attentivement sur ce qui s'apparentera davantage à un torchon torché à la va-vite, fautes d'orthographe comprises, qu'à un vrai programme de Messe. A croire que l'autre extrémiste qui s'est trouvé une tribune pour se faire mousser hier aux actualités a su contaminer ma religion jusque dans cette petite église de village. Je contiens ma grogne, souris à notre Miss, l'embrasse dans les cheveux avec un "Je t'aime, ma Puce" afin de ne pas lui communiquer mon agacement. Cependant je commence à rassembler les pièces d'un puzzle dont je sais déjà que je n'apprécierai pas le résultat. La vieille bique cherche de l'autre côté de l'église un ou une volontaire pour lire le texte qui d'ordinaire me revient, au lieu de s'adresser à moi, encore un détail auquel je ne souhaite donner plus d'importance qu'il ne le mérite. Ca chuchote derrière, mais je ne distingue pas les propos. Je ferme les yeux, soupire pour m'apaiser, je suis ici pour fêter la Sainte parmi les Saintes, non pour déblatérer sur l'écho obtenu auprès de journaleux d'un représentant de la fange extrémiste qui pollue ma religion. Je lève le nez vers la statue en Croix, et me signe. Miss m'imite, par jeu, elle doit percevoir que ce geste est important. Je corrige le sens de son signe et nous nous sourions.
Avec quelques minutes de retard, la porte dérobée latérale s'ouvre, et le prêtre fait son entrée. Ceux qui, comme Anne-Marie, s'étaient assis se relèvent. Je ressens le besoin de lui saisir la main, posée sur rebord du Prie-Dieu, et Miss nous les recouvre des siennes. Je fixe le visage du prêtre mais je n'accroche pas son regard, j'ai la désagréable sensation qu'il m'évite. D'ordinaire il m'adresse un petit signe, là rien. Mauvais pressentiment. Il s'installe et commence son salut, nous répondons comme d'accoutumée, et le début de la Cérémonie se déroule de façon attendue. Je me dis que j'ai dû m'inquiéter pour rien, jusqu'à la "fameuse" lecture, qu'un individu fort peu habitué à la prise de parole en public massacre allègrement. Anne-Marie percute, et me regarde. Je hausse les épaules d'un air de dédain, pour ne pas en ajouter. Elle aussi a sûrement réalisé que le prêtre nous tourne le dos soigneusement depuis le début. J'attends évidemment le moment du "sermon", qui mettra enfin des mots sur le malaise qui plane depuis que nous sommes entrées dans l'église…
Le prêtre s'approche du pupitre, ajuste le micro, classe et reclasse ses notes fébrilement, ne décolle pas le nez du sol. Il sait que je le fixe, il doit le sentir. Il sait que je me doute de la teneur des propos à venir. D'une voix peu assurée, il débite une litanie de critiques infondées, selon lesquelles nous ne serions que des monstres, des pervers, des obsédés, incapables de se contrôler, désireux juste de singer les "normaux", et ne revendiquant le droit à l'adoption que dans un but purement égoïste, sans la moindre compassion pour l'enfant qui n'aura pas demandé à se faire marginaliser dès le début de sa vie… Anne-Marie serre ma main, elle devine. Je me lève d'un bond: "Assez !" Le prêtre sursaute, en perd ses feuilles. "Je pensais être venue ici pour honorer Marie, la Sainte Vierge, la Bienheureuse Mère entre toutes les mères, pas pour me faire insulter, salir en public depuis plusieurs minutes, par une personne en qui j'avais une confiance quasi aveugle !" Différents murmures s'élèvent un peu partout dans l'assistance. "Regardez-moi, mon Père ! Osez donc me regarder droit dans les yeux, vous qui m'avez toujours connue depuis ma naissance, regardez-moi, et osez dire tout haut, devant tous les gens ici et surtout devant Celui qui nous accueille en Sa maison, si oui ou non je suis à l'image du monstre que vous venez de décrire ! Si le couple que je forme avec Anne-Marie est une simple parodie, si elle et moi forniquons à tout-va en complète amoralité et sans la moindre fidélité réciproque, si notre enfant dont Anne-Marie est la vraie mère, la mère biologique, nous sert réellement de souffre-douleur ou de jouet sexuel comme vous venez de le prétendre à l'instant, ou si tout ça n'est que mensonge et calomnie destinés à nous discriminer, moi, ma compagne, et tous nos semblables !!!!" J'ose le pointer d'un doigt accusateur, Anne-Marie m'a lâchée, elle serre notre Miss sourire contre elle, elle sait que, poussée ainsi à bout, je suis capable de tout pour me défendre, pour protéger les miens. Le prêtre bredouille, le micro lui-même ne le comprend pas. Les fidèles me fixent, silencieux, inquiets. "Il suffit qu'un fêlé, un fou-furieux parmi vos supérieurs, se permette l'inadmissible, en totale contradiction avec les bases de notre belle religion de paix, d'amour, de respect, pour qu'en bon mouton dans le troupeau, vous propagiez ses condamnables injures, son envie de chasse aux sorcières ???" Je réalise un peu tard que j'aurais pu me dispenser de cette dernière expression… Un brouhaha se répand. Je baisse le doigt. "Attendez-vous à ce que je passe vous voir en privé, histoire de tirer au clair ce qui vous a pris, car ce n'est ni le lieu ni le moment. D'ailleurs dans l'immédiat je préfère partir avant la Communion, les hosties qui puent l'homophobie, merci bien !" Je me dirige vers la sortie, suivie d'Anne-Marie et de notre Miss, sous les regards interrogatifs. Avant de sortir, je m'agenouille pour un dernier signe de croix.
Dehors, je reste muette, contenue. Assise au volant, mes doigts sont plantés dans le caoutchouc. Anne-Marie, derrière moi, installe la Miss dans son siège enfant. Je mets le contact, et roule sans but précis. Les kilomètres qui défilent m'apaisent à peine.
Je me gare sur une sorte de refuge au bord de la départementale, près d'un calvaire. Je descends, et tombe à genoux devant la croix. J'ai besoin de prier. Pourtant je n'y arrive pas, mes nerfs lâchent, je pleure à chaudes larmes. Anne-Marie, sans un mot, est venue m'entourer de ses bras. Je finis par retrouver le contrôle de moi-même, embrasse tendrement la femme qui me comprend si bien, sous les applaudissements de Miss sourire depuis son siège auto, heureuse quand elle nous voit collées ainsi. Si c'est pas ça, une vraie famille… »
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