« Je place son manteau correctement sur le dossier du fauteuil, mets le mien par-dessus, et parcours des yeux la pièce à vivre. Une tablette surplombant le radiateur fait office de cheminée, ainsi que de vide-poche. A côté de clés et d'objets divers trône un unique cadre, une photo d'une enfant entourée d'un homme et d'une femme, l'image du bonheur de son enfance, qui me rappelle inévitablement la mienne. A-t-elle la chance d'avoir encore ses parents ? J'en serais heureuse pour elle, à défaut de pouvoir l'être pour moi. Elle ne me laisse pas le temps d'être triste, de retour de la salle de bain dans une tenue plus …intérieure: "J'ai fait un brin de toilette, je suis toute propre, vous pourrez vérifier ! Je vous ai préparé le nécessaire pour faire de même, si vous voulez…" Le programme de cette fin de soirée a le mérite d'être clair !
Je lui adresse un bisou aérien en filant m'isoler à mon tour. Cette rencontre va-t-elle chambouler à jamais mon existence ? Il est trop tôt pour le dire, néanmoins je ne suis déjà plus la même femme qu'il y a à peine quelques heures, cette femme qui n'aurait même jamais envisagé l'idée de passer une soirée, a fortiori encore moins la nuit, en si charmante compagnie. Une pile d'affaires pliées m'attend sur le dessus de la cuvette fermée. Une serviette éponge, un peignoir blanc, des chaussons en tissu, elle a même pensé à une brosse à dents de voyage sous cellophane. Sur la porte, pend un cintre vide à deux étages. Je me dévêts, y accroche mes habits. Le côté improbable de ma situation, assise nue, à l'exception des chaussons et de mes bijoux, sur les toilettes d'une personne inconnue avec laquelle je m'apprête à passer la nuit, me pousse à rire doucement.
Mes ablutions terminées, je noue mon peignoir et sors de la salle de bain. A ma vue, elle abandonne son magazine, se lève de sa chaise, me sourit. J'avance vers elle, elle tend ses bras, m'enlace. Je fais de même, tandis que nos bouches se collent à nouveau. Nous nous caressons les cheveux, le dos, tandis que nos langues exécutent un fougueux ballet. Une boule me noue l'estomac, une boule insatiable que nos câlins apaisent à peine. J'ignore si ce moment me comble ou au contraire creuse mon désir d'elle. Mon désir d'elle. De quelle nature est-il, simplement ? Ce dont je suis sûre, c'est que je pourrais passer des heures à l'embrasser ainsi, et que je serais malheureuse si elle s'éloignait, mais quoi d'autre ? Allons-nous faire l'amour ? J'ignore tout de cet amour-là ! Comment fait-on ? Où dois-je ? Que dois-je ? Ou ne dois-je pas ? Le sait-elle, elle, au moins ? Je ne le pense pas. Ca promet…
Elle se décolle, m'attrape les mains, m'entraîne dans le canapé, m'allonge. Une de mes jambes sort totalement du peignoir, à la limite de l'indécence. Elle observe ma jambe. S'interroge-t-elle ? Elle s'agenouille, la passe par-dessus elle, délicatement. Des baisers se posent sur l'intérieur de ma cuisse. Je sens que le peignoir m'a lâchée, que la partie la plus intime de moi, grande écartée, est dévoilée. Sa tête se pose sur ma toison, tandis que le haut de ma jambe reçoit toujours des bisous. Je tends la main, la passe dans ses cheveux. Elle soupire. Je la caresse. Je confesse aimer ça.
Elle se redresse, avance très lentement, m'observe. M'envisage-t-elle ? Mon cœur bat fort, j'ignore la suite, mais je vis pleinement l'instant présent que je découvre. Elle… Elle entreprend de défaire le double nœud de mon peignoir, enfin de son peignoir sur moi, avec les dents. Elle s'acharne mais le nœud résiste. Elle lève les yeux vers moi, le nœud dans sa bouche. Ses yeux sont pétillants, je sens son fou rire remonter à la surface. Le mien aussi. J'essaie de me contenir, c'est évidemment une mauvaise idée. Je ne sais plus laquelle de nous a craqué en premier, mais nous pleurons de rire, collées l'une sur l'autre. Mes bras l'enlacent, mes mains la devinent. Quelle est donc la nature de mon attachement à elle ?
Un bâillement entrecoupe ses rires. Elle s'en excuse mais récidive. Je me sens gagnée à mon tour. Ils perturbent les baisers que nous avons recommencé à nous échanger. Elle suggère d'aller poursuivre dans la chambre. J'acquiesce. Un peu maladroitement elle se sort du canapé, et me tend les mains. Je me redresse, les attrape, elle me tire un peu fort, j'atterris dans ses bras. Elle ne m'enlace pas, mais repart à l'assaut du double nœud, que je ne pensais pas avoir tant serré ! "Voulez-vous que…?" Elle me répond non de la tête: "Je finirai par y arriver…" Effectivement !
Il fait plus frais dans la chambre, je le ressens lorsque je tombe le peignoir. Je frissonne, serait-ce plutôt dû à l'impression d'être détaillée par une paire d'yeux ? Je me retourne. Son regard fixé sur moi remonte et croise le mien. Les joues rouges, elle semble interdite. Elle a de nouveau ce regard un peu fou, auquel définitivement je ne résiste pas. J'avance la main, elle se jette à mon cou. Je l'embrasse dans le sien tandis que ses mains me parcourent. Ses mains, chaudes et douces, sont un délice. J'ai dû émettre un gémissement. Elle en émet aussi. Ou ce devait être un autre bâillement. Je me hasarde à poser mes mains dans son dos, à la caresser. Je m'accommodais du tissu élastique de son pyjama, mais elle décide de l'ôter: "Comme ça, nous serons dans la même tenue." Je l'aide à passer son haut par la tête. Mais nos actions n'ont rien de coordonnées, je la ralentis, et les bras levés, la tête emmaillotée, elle finit par éclater de rire à nouveau. Sa poitrine est jolie, me dis-je. "Vous êtes tentante, ainsi !" Elle me répond de l'intérieur de son haut: "Vous oseriez profiter de ma situation actuelle ?" Je confirme: "Oui, j'oserais…" Sa réponse est une invitation: "Alors, qu'attendez-vous ?" Bonne question… Sans plus réfléchir, je me jette sur sa poitrine, la couvre de baisers. Sans chercher à se libérer, elle soupire, je poursuis. Mes mains descendent son pantalon tandis que j'embrasse son ventre. Ma progression se fige au-dessus de ses genoux. Je m'étonne: "Vous êtes …rasée ??" "Oui, je trouve ça plus hygiénique, et plus agréable au toucher. Vous aimez ?" Heu… Je n'en sais rien, je ne m'étais d'ailleurs jamais personnellement posé la question. Elle tente de se libérer de son haut, je l'aide à s'en débarrasser. Je range le vêtement sur la chaise, elle y place son pantalon, puis sa cheville. Je l'observe. "C'est la tenue qui gêne le moins les mouvements", dit-elle. Le fait est qu'elle a posé sa jambe à l'horizontale, comme une danseuse. "Savez-vous faire cela ?", me sort-elle, en levant sa jambe vers le haut. Je suis épatée ! "Vous êtes danseuse ?" "Non, mais j'en ai fait pendant des années, comme ça, pour le plaisir…" Je ne puis m'empêcher: "En tout cas, la vue est intéressante !" Elle sourit: "Toute à vous, je vous l'avais dit." Puis elle redescend sa jambe, file ouvrir le lit, s'y allonge sur le dos, et me propose une autre démonstration: elle réussit à croiser ses pieds derrière sa tête ! Bluffée… J'applaudis.
"Venez, touchez, voyez par vous-même comment c'est doux…" Je, heu… Je regarde ses doigts courir le long de cette partie intime ainsi offerte. "Qu'y a-t-il ? Est-ce mal que d'apprécier se faire du bien ?", me demande-t-elle. Je souris: "N-Non, non ! Au contraire, c'est juste que… je ne m'attendais pas à ça, cette soirée va si vite !" Elle est rassurée: "C'est vrai, mais si nous en sommes là, c'est bien parce que nous l'avons souhaité, vous et moi. Aucune de nous n'a forcé l'autre, n'est-ce pas ? Pour moi aussi c'est nouveau, vous savez."
Je me décide à m'approcher. J'ai quasiment le visage sur cette partie douce. Ses yeux ne me quittent pas. Je me jette à l'eau, enfin façon de parler. Mes lèvres se posent sur les siennes, j'embrasse cette peau effectivement très douce. Délicate serait même plus approprié. De ses doigts elle m'ouvre grand sa porte, et moi, un peu gauche face à une situation fort inhabituelle mais plus qu'heureuse de la vivre, je couvre de baisers tout ce que je peux. Une odeur de femme se superpose petit à petit à celle du savon. Je ne sais combien de temps j'ai passé sur cet endroit, j'ai tout oublié dans ma concentration, jusqu'à la fraîcheur de la chambre. Ses doigts se relâchent, je m'interromps. Je rêve, elle a réussi à s'endormir dans cette position ! Très doucement je la déplie jambe par jambe, et la borde. Puis je prends place à côté d'elle. Elle ouvre les yeux, me demande pardon. "Chut", dis-je. Elle referme les yeux, se blottit contre moi. Une main cherche son chemin le long de ma cuisse, j'écarte un peu les jambes. Elle arrive à destination, je me referme autour d'elle. C'est agréable.
Je ne parviens cependant pas à m'endormir de suite, j'ai besoin de faire le point dans ma tête, de ranger soigneusement les événements de cette soirée, contrairement à cette femme qui dort profondément au creux de mon épaule, et me tient toute entière dans sa main, cette femme avec laquelle je partage tant de points communs concernant les marchés de Noël, ainsi que la couche, cette femme que j'ai embrassée partout, jusqu'au creux de son intimité, cette femme à propos de laquelle force m'est de reconnaître que ce que je ressens ressemble trait pour trait à de l'amour. Le sommeil finit par me gagner. Cette nuit je rêverai de nous deux tournoyant, miniaturisées, sur ces manèges – décorations de Noël, confortablement installées sur une banquette de train du soir. Je ne veux rien présumer de la matinée à venir, ni des jours qui suivront, mais une question me vient, sur laquelle je m'endors: et si cette femme était mon plus beau cadeau de Noël ? »
Marché de Noël [Ch.03]


Mylène (MyLzz59)
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