Mylène écrit (http://mylene-ecrit.blogspot.fr)
 ( MàJ: 02/01/2014 )


Ceci est un Blog par Mylène (MyLzz59)

Sables (é)mouvants [Alyx 03]



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ce Chapitre (00:08:14)


« "Mmh, délicieuses !", dit Alyx en se rasseyant. Malgré moi mes doigts se portent sur ma bouche, comme si je vérifiais s'il y restait des morceaux d'elle. "Pardon ?", réponds-je, hagarde. "Vos lèvres, Jeane, ce goût les sublime." Je sens mes oreilles de nouveau en feu, je plonge le nez dans mon assiette, qui inévitablement me renvoie à ce qu'il vient de se passer. Peut-être qu'une gorgée supplémentaire de vin…

Je jette un œil rapide autour de moi, les autres convives ne semblent pas avoir prêté attention à notre manège. Alyx disait sans doute vrai, à l'instant, personne n'a l'air de se soucier de nous, de porter de jugement. Je me détends un peu, et reprends la descente de mon entrée. J'ai à peine terminé, que le zèbre remplace mon assiette par sa jumelle, pleine, puis dépose devant Alyx la même chose. "Vous m'avez tentée, Jeane". Je suppose qu'elle parle de la nourriture ! Quoi qu'il en soit, je ne l'ai pas vue faire signe au zèbre de nous remettre ça. Y'a pas à dire, c'est ça, la classe… Comme quand elle fait son sort à cette nouvelle entrée, tout en donnant l'air de juste la picorer.

Je dépose ma fourchette et mon couteau dans une disposition similaire à ceux d'Alyx, et me redresse. Nos assiettes se volatilisent, accompagnées des couverts, ainsi que, plus surprenant, des serviettes, celle pour la bouche et celle qui fait set de table, que l'on nous remplace aussitôt. Alyx reremplit nos verres, et suggère de trinquer de nouveau durant cette pause. J'attrape mon verre, le tiens devant mon visage. "A vous, Jeane. A votre présence." Je ne sais que répondre. "A mon hôte", est tout ce que j'ai trouvé, je ferai avec. Nos verres tintent, restent en contact. Je suis immobile, comme paralysée par le regard d'Alyx. Il me transperce, il me perce, elle me communique l'impression de lire en moi, c'est dérangeant, et pourtant j'aime ça. Ca va pas bien chez moi…

J'essaie de me rassurer avec les moyens du bord, essentiellement en m'accrochant à son androgynie pour masquer la nature de mon trouble. Non seulement tels des sables (é)mouvants j'entrevois qu'à mesure que cette soirée avance le moyen d'avouer à Alyx que je ne suis pas… Enfin non, c'est pas ça, que mon souhait, non, en fait mon attente, enfin bref, qu'à mesure je m'enlise. Alyx. Si elle était simplement l'homme qu'elle paraît être, les choses seraient si simples…


Du poisson nous est servi. Du poisson ?? Mais je… Dans ce monde-ci, il est évident qu'entre l'entrée et le plat de résistance s'intercale un plat de poisson, qui fond sur la langue tandis que sa sauce ravit les papilles. Tiens, le vin dans mon verre est d'un jaune moins soutenu. Ah non, c'est un nouveau verre, avec un autre blanc dedans, un blanc de poisson. Je ris intérieurement de mon nouveau jeu de mots. J'observe Alyx manier avec grâce cette lourde argenterie. Promis, je tenterai de lui parler après ce plat…

La table débarrassée, ma main tripote nerveusement le pied de mon verre. "Alyx, je…" Je sursaute quand ses doigts se posent sur les miens, ma colonne vertébrale me picote. Je me tortille sur ma chaise. "Vous trouverez les lieux appropriés en empruntant le couloir de droite, juste derrière la troisième statue en pied d'inspiration grecque. Souhaitez-vous que je vous y accompagne ?" Heu… Nan, je cherche pas les toilettes ! Je hoche la tête négativement. "Il faut que je vous parle. Avant que les choses n'aillent plus loin…" Ouf j'y suis, maintenant ne pas reculer.

Mais je m'entrave dans mes explications, au point que moi-même finis par m'y perdre, sous le regard amusé d'Alyx. Mon front choit sur la nappe, j'ai échoué. Quoique, vu qu'en remontant je lui découvre un air plus grave. "Que d'empressement, chère Jeane ! Bien fol espoir m'animerait que celui de vous sentir transportée de sitôt… Permettez à l'émoi que je vous devine d'acquérir forme plus limpide avant de vous prononcer, il en va de votre sérénité."

Surréaliste. Plus les choses avancent, plus elles m'éloignent de mon objectif, à moins que ce ne soit cet objectif qui ne s'éloigne de moi, voire moi de cet objectif. Je récupère mes doigts, et descends le fond de verre d'une traite. Rhââ ! Un frisson accompagne la descente du liquide. Je me fais l'impression d'une proie qui s'englue à mesure qu'elle se débat, sous le regard de la chasseresse Alyx.

Le gibier qui se présente maintenant marque un nouveau répit dans mon tourment intérieur, que je réduis au simple dilemme de l'orthographe du mot, s'agit-il de "cuisseau" ou de "cuissot" ? Bleu-bleu-bleu, mon état mental est comme ce plat, avancé. Alyx me démonte pièce par pièce, voire me regarde me démonter moi-même. Un éclair de lucidité entre deux bouchées me rappelle que je ne me prends ainsi la tête que parce que j'ai découvert que le bel Alyx est en réalité une femme. Un "détail"…

J'alterne gorgées d'eau, de ce rouge au corps costaud, bouchées de viande et de cette délicieuse garniture de légumes, car ma tête me tourne légèrement, suis-je en train de me détacher lentement de moi ? Tandis qu'en face de moi, s'agitent calmement les couverts de mon hôte, bien plus habituée des lieux, et de ce régime.

Je ne viendrai pas à bout du gibier, à mon grand regret, mais là je cale. Dire qu'il reste encore le fromage, le dessert, et le café. Où arrive-t-elle à entasser tout ça, mince comme elle est ? Je me convaincs que les gens comme elle s'entraînent dès l'enfance à survivre à tels repas, et ris seule de l'absurdité d'une telle réflexion…

"Accompagnez-moi jusqu'aux toilettes, il faut que je vous parle.", dis-je. Sitôt dit elle se lève, tire ma chaise, et me donne le bras, auquel je m'accroche. Je referme la porte, me retourne face à elle, et rassemble mon courage. Elle me sourit tendrement, ce qui ne m'aide pas. "Ecoutez, je… Je voudrais tout d'abord sincèrement vous remercier pour cette incursion dans votre monde…" Elle m'interrompt: "Mon monde, Jeane ?" Je soupire: "Oui, voyez-vous, je passe une soirée au-delà de tout ce dont j'aurais pu rêver, mais…" "Dîtes-moi, Jeane, afin que je rectifie mon erreur." Je secoue négativement la tête: "Ce n'est pas vous, Alyx, enfin si mais non, comment dire…" Je l'amuse: "Avec vos mots, Jeane, à votre aise." Voilà, c'est ça: "Justement, mes mots, c'est que je ne suis pas une De Machin De Bidule De Saint-Truc, je…"

Elle éclate de rire, d'un rire non moins distingué que le reste: "Est-ce là tout votre tourment ? Vous me soulagez, Jeane, je m'attendais à bien plus inextricable…" Mais non, où suis-je encore partie, avec ma danse autour du pot ? Je dois parvenir à lui faire entendre qu'elle est une femme. Heu non, ça elle le sait forcément déjà, résumons… Vas-y, rame, Jeannine ! Je soupire devant son impassible sourire, tu parles qu'elle sait mieux que moi ce qu'elle a initié en moi.

Ses doigts se posent sur ma joue, j'avale ma salive. "Rassérénez-vous, Jeane, il n'est point requis que vous vous tendiez telle une corde d'arc…" J'accompagne sa caresse par des hochements de tête, ma respiration est soutenue. Me "rasséréner", elle en a de bonnes… C'est le bazar dans ma tête, et elle l'entretient. "Facile à dire, c'est pas vous qui avez flashé sur un type comme il en existe plus, pour se rendre compte que le type c'est pas un type !" Elle ne cille même pas. "Et qu'auriez-vous fait s'il s'était réellement agi d'un homme, Jeane ?" "Ca !!", dis-je en me jetant sur sa bouche. Je suis fichue…
»

-MyLzz59-

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