Le Bus [Ch.03]

« Tout mon corps sursaute lorsqu'un premier doigt se pose. Il décrit de délicats allers-retours. Il prépare mes poils, prépare le seuil de ce qu'elle a appelé la porte secrète de mon monde magique. Mes yeux sont rivés dans les siens. Je dois avoir le dernier regard du taureau agonisant dans l'arène.

Elle se promène désormais contre mes chairs. De la sueur perle sur mon front. Je demeure immobile. Un, deux, trois, cinq, huit, douze ? J'ignore combien de ses doigts me tapotent. Je ne déteste pas, bien au contraire…

L'un d'eux franchit alors la porte. Timidement. Une larme coule sur ma joue. Le doigt glisse nonchalamment dans l'entrebâillement. Je réalise alors à quel point mon intimité est mouillée. J'ai honte. Honte d'admettre que jusqu'ici j'apprécie son assaut. Que… ?? Deux doigts écartent avec grande douceur mes chairs. L'éclaireur effectue de petits mouvements rotatifs autour de l'entrée ainsi découverte. Je ferme les yeux, les battements de mon cœur cognent contre mes tempes, résonnent dans ma tête. Je me focalise de nouveau sur ma respiration. J'ai envie de miauler, je me retiens. Je ne reconnais plus la fille qui fut moi, elle n'a plus rien de ce que j'étais. Elle n'est plus qu'un animal, un félin, une chatte sur le point de ronronner.

Mes jambes sont de plus en plus écartées, je bée. Son doigt est toujours à mon entrée, sa phalange se colle et se décolle de ma peau. Les muscles de mes cuisses s'animent de légers tremblements. Petit à petit le doigt d'Emma avance, s'enhardit. Un peu plus profondément il trouve une petite zone intérieure d'une texture différente, plus granuleuse, sur laquelle il reprend ses petits ronds. Ma bouche s'entrouvre par à-coups. Je commence à voir virevolter de petits points blancs, devant mes yeux. J'aperçois le regard d'Emma se porter avec convoitise sur ma bouche, aussi je referme en rougissant. Ca en plus, ça hors du plaid, même dans la pénombre, je ne m'en sens pas capable. Je me suis déjà laissée emmener si loin de moi…

Emma est ressortie, son regard brille comme jamais auparavant. Que me réserve-t-elle encore ? Attendrais-je une suite ?

Je ne puis décoller mon regard du sien, mais malgré tout je n'y lis rien. Enfin si, l'envie de ne pas s'en tenir là !

J'inspire puis souffle profondément, c'est le moment qu'elle choisit pour le deuxième round. Elle caresse ma toison, lisse les poils vers l'extérieur. Mes lèvres sont gonflées, je suis ouverte. Son doigt entre partiellement, rapidement, et ressort aussitôt. Je retiens un gémissement. Il recommence. C'est intense, sans ménagement, mais il glisse aisément et je n'ai pas mal. J'essaie de n'émettre aucun son, de ne pas fermer les yeux, de ne pas quitter son regard. Est-ce ça, une "petite mort" ?? Mon ventre est pris de spasmes, pourtant Emma vise juste. Quelle dextérité !

Son doigt s'enfonce une nouvelle fois, mais ne ressort pas. Que mijote-t-elle encore ? La réponse se fait sentir quelques instants après, à retardement: je resserre les jambes autour de son doigt toujours en moi, et remue alternativement des fesses comme si je faisais du vélo. Je me mords la lèvre pour ne pas miauler. Les points blancs ont envahi mes yeux, je distingue à peine Emma.

L'atterrissage est progressif. Peu à peu les points blancs se dissipent, repartent vers les côtés et s'éteignent comme un feu d'artifice qui retombe. Emma, immobile, arbore un sourire différent. Un sourire de satisfaction. Je me dis que j'ai bien réagi, qu'elle est contente de moi. Je comprends mieux la notion de monde magique. En fait, je comprends tout court, car ceci est une découverte pour moi.

Une impression bizarre s'empare de moi, celle d'avoir franchi une étape de mon existence, celle d'avoir grandi, finalement. Emma m'aurait servi de guide initiatique, comme dans certaines sociétés…

On me demanderait de me lever, là, maintenant, j'en serais bien incapable. Mes jambes sont flageolantes, tremblantes. Je lui souris béatement, bêtement sans doute.

Emma m'a laissée reprendre mes esprits, mais n'en a pas fini avec moi. Lentement elle retire son doigt que je réalise être resté en moi. J'ai l'impression de couler, de me répandre. Elle caresse mon extérieur, étale ma substance jusque sur mon petit trou. Un éclair me traverse, aurait-elle l'intention de me… par là aussi ?? Heureusement non…

Deux doigts se présentent à mon entrée gluante. Par paliers ils entrent et ressortent. Chaque fois plus loin. Emma s'aventure au maximum que ses doigts le lui permettent. Si elle avait été la première à me "visiter" ainsi j'aurais probablement saigné. Cependant le garçon avec lequel j'ai perdu cette chose improbable à laquelle ils semblent attacher tant d'importance, n'a rien ouvert de mon monde magique. N'y connaissait-il rien ou… …? Non, je n'ose l'imaginer ! Pas moi ! Force m'est de constater qu'Emma m'envoie là où elle veut, juste avec quelques doigts. J'ai beau me dire, tenter de me convaincre, que je ne suis sûrement pas sa première, ça me perturbe quand même franchement ! D'autant qu'Emma commence de lents va-et-vient, sans sortir complètement, mais à l'inverse au plus profond qu'il lui est possible. Et ça recommence à grimper en moi, comme n orage d'été qui escaladerait ma colonne vertébrale.

Elle a froncé les sourcils, les choses deviennent sérieuses. Solennelles. Aussi je cesse mes élucubrations, et me concentre sur ce qu'elle me pratique. Malgré moi je ferme les yeux. Je ne suis plus qu'un réceptacle qui accueille ses appendices, un chaudron magique dans lequel elle me concocte une de ses potions secrètes, un… Mmh !!!…

Cette fois il n'est plus question de papillons virevoltants, mais d'un parfait black out, à part ses deux yeux si brillants. Les pointes de mes seins sont douloureuses. J'aimerais les saisir et les masser, la bienséance me l'interdit. La quoi ??

En fait, j'aimerais m'occuper, faire quelque chose en retour. Des fourmis envahissent mes mains, mes pieds. Je respire difficilement. Je me solidifie. Je me liquéfie. Voilà, je me liquéfie, me coule autour de ses doigts. Je les épouse et me solidifie sur eux. Sur elle. Je fais bloc, je fais corps avec elle, je suis une terminaison d'elle. Je suis …un plaisir pur, une sensation immaculée, un tout intense et indivisible, indivisible d'elle, de ses doigts. J'appartiens à ses doigts et ils m'appartiennent. Les pointes de mes seins sont deux sirènes hurlantes, deux gyrophares qui appellent ma bienfaitrice. Je ne suis plus rien d'autre qu'une …jouissance incarnée.

Mes yeux pleurent. De joie, d'effort, de souffrance, je l'ignore désormais. Je suis crispée. Tout mon corps est raidi. Je ressens un point rouge clignotant tel un voyant d'urgence s'allumer en mon ventre, une bulle qui remonte à la surface et s'apprête à éclore. Je sens que ça va m'achever, je le redoute mais j'ai hâte que ça m'arrive…

Ca y est, mon bas-ventre s'agite de petits soubresauts en tous sens. Je ne contrôle plus rien, déjà que jusque là… Mes dents sont serrées, mes yeux violemment fermés. Mes mains écrasent mon siège. Ma respiration se bloque. Je me désintègre de l'intérieur. Je ne suis plus matière, je suis de l'énergie qui crépite autour de ses doigts. Je suis un incendie né de ses doigts silex. Je suis ce qu'elle a fait de moi. Je suis un bouquet final exubérant mais intérieur. Je suis inexplicable, indéfinissable, inconcevable, inédite. Je suis…

Je suis crevée. J'entrouvre les yeux, je respire fort, essoufflée. J'essaie de retrouver les yeux brillants d'Emma, mais mon regard est flou. Fou. Je suis en désordre. En vrac. Emma n'est qu'un vague contour, une silhouette improbable, à laquelle je tente d'adresser un sourire reconnaissant qui sans doute ne ressemble à rien de connu…

Je me ressaisis dans un éclair de lucidité quand Emma entreprend de sortir ses doigts: "Nan !!" "Pitié, reste…", ai-je tenté de lui murmurer, moi-même ne me suis guère entendue. J'ai juste renfoncé sa main comme j'ai pu, et je garde la mienne par-dessus. Je veux m'endormir ainsi, avec Emma en moi. Je veux prolonger ce bonheur jusque dans le moindre de mes rêves. Je veux…

Je m'endors.

J'émets un bâillement. Je me réveille tôt, mais avec une sensation de forme éclatante. Une nuit courte, mais à n'en point douter l'une des plus belles de ma vie. Emma est toujours en moi. Petit à petit le puzzle se reconstitue. Je sais que je devrais avoir honte, or je n'ai aucune intention d'avoir honte d'être heureuse.

Je regarde autour de moi. Le bus dort encore. A l'exception d'Emma, ni endormie ni totalement éveillée. "Bonjour", dis-je le plus bas possible. Pour seule réponse je n'obtiens qu'un joli sourire. Son regard encore ensommeillé tente de me localiser. Elle approche son visage du mien. C'en est trop pour moi, je craque et nos bouches s'unissent. Un duel de langues s'organise dans ce ring improvisé.

"Tu ne regrettes pas ?", me demande-t-elle en murmurant, juste après. Je fais non de la tête, en souriant. "Où est ma main ?", enchaîne-t-elle malicieusement. Ben tiens, comme si tu ne devinais pas…

Elle retire ses doigts très délicatement et arrange quelque peu mon entrejambe. A moins qu'elle ne le tripote une dernière fois ! Puis sa main émerge, et elle enfourne ses doigts dans sa bouche. Elle les lèche. Elle me goûte. J'en frissonne. Je la regarde faire. Elle me sourit.

J'ai voulu saisir la télécommande de son engin, mais je me suis souvenue qu'il a dû s'éteindre seul, c'était marqué, au bout de trois heures, sans autre ordre…

Je me suis rhabillée, ai rajusté le plaid. Nous avons échangé un autre bisou, silencieusement. Puis j'ai senti sa main, et nous avons refermé les yeux, en attendant que l'entraîneur nous réveille. »

Fin

-MyLzz59-