Mylène écrit (http://mylene-ecrit.blogspot.fr)
 ( MàJ: 02/01/2014 )


Ceci est un Blog par Mylène (MyLzz59)

Mirana [Ch.03]

« Nous arrivons devant l'église. En voyant le prêtre j'ai voulu lâcher la main de Mirana, mais elle ne m'a pas laissée faire. Le prêtre lui a fait la bise, l'a appelée par son prénom, puis m'a souhaité la bienvenue. Elle ne m'a lâché la main qu'après m'avoir placée au premier rang, avec ce conseil avisé: "si tu ne sais pas quoi répondre, dis Amen". Et elle est allée s'asseoir dans le chœur. Je me suis laissée porter par le mouvement, singeant mes voisins lorsque les vieux souvenirs ne remontaient pas. Puis, de temps à autre, le chœur chantait. Je fixais la rose toujours plantée entre les seins de Mirana. Impression de fierté. Enfin, vers la fin de la messe, vint la surprise proprement dite. Le prêtre présenta Mirana, qui interpréta en soliste "Il est né le divin enfant", et "Ave Maria". Je n'ai pu retenir mes larmes. C'est de nouveau main dans la main que nous sommes ressorties, et avons été saluées par le prêtre. Vraiment très ouvert, lui !

Dans la voiture, j'ai fait part de mon admiration devant sa si belle voix. Pour seule réponse, j'ai eu droit à un "si tu ne m'en veux pas de te l'avoir caché, alors embrasse-moi". Ce que je me suis appliquée à faire, yeux fermés et langue sortie.

Prochaine étape, le cabaret. Mirana fait la bise à la marquise qui tient l'entrée. Je fais machinalement de même, m'étonnant intérieurement que l'on ne nous fasse pas payer. La marquise nous signale que le spectacle est commencé, et le numéro de la table libre qui nous est allouée. Je réalise à la voix de cette marquise qu'il s'agit d'un cabaret transformiste. Nous prenons discrètement place, et un garçon déguisé en Daisy Duke nous amène une coupe de champagne. Sur un semblant de scène, se succèdent les play-back de grandes dames de la chanson, Sheila, Sylvie Vartan, Juliette Gréco, Barbara…, par différents hommes plus ou moins bien grimés. Je passe somme toute une bonne soirée, Mirana est heureuse de me voir heureuse. Je remarque distraitement le sosie de Wonder Woman qui vient lui parler à l'oreille. Sur la scène, un gars maquillé mais habillé en homme nous explique l'art du transformisme. Il enfile tour à tour diverses perruques et robes, avec lesquelles il nous croque différentes chanteuses en un temps record.

Minuit moins vingt. Toutes les lumières s'éteignent, et un spot éclaire le rideau. Apparaît la marquise, un micro à la main. Elle a une annonce à nous faire: "Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, autres et assimilés (murmures dans la salle). Ce soir nous avons la joie d'accueillir dans notre modeste établissement une grande artiste. Elle nous fait l'immense honneur d'avoir accepté de monter sur scène afin de nous ravir jusqu'aux douze coups de minuit. Je vous demande d'applaudir très très fort (le spot se braque sur elle) mademoiselle Mirana !" Je reste sans voix alors qu'elle se dirige sur la scène, et se saisit du micro. Elle explique que cela est improvisé et sollicite notre indulgence. Entre un portant sur lequel se trouve un costume aux formes triangulaires. Elle enfile la veste, et rend hommage à ce grand monsieur disparu trop tôt, et qui nous a laissé cet air classique, l'air du froid. Puis elle ferme les yeux, et attaque dans le micro, sous les applaudissements. Cette chanson démarre bas, et grimpe haut dans les aigus, mais Mirana restitue magnifiquement toute l'étendue vocale, comme habitée par l'esprit de Klaus Nomi.

Après la dernière note, elle se penche pour saluer, et reçoit une ovation impressionnante. Puis, alors qu'on la débarrasse du costume un autre portant fait son apparition, avec une veste de soldat d'époque, et une perruque rousse flamboyante. Des applaudissements se font entendre, alors qu'elle vient juste de s'équiper. Le moindre doute quant à l'artiste qu'elle va imiter, et qui est restée absente du spectacle jusqu'ici, comme si on la lui avait réservée, n'est plus permis. Le silence se fait, et Mirana se met à siffler les premières notes de "Sans contrefaçon". Les transformistes présents nous invitent à taper dans nos mains au rythme de la chanson alors qu'une Mylène Farmer quasiment conforme à l'originale alterne chant et sifflement, à ceci près que la vraie ne porte pas sa main à son entrejambe à chaque fois que survient le mot "garçon". Nouveau salut, et nouvelle ovation. Enfin, la marquise remonte sur la scène, et remercie chaleureusement Mirana, qui vient d'enflammer l'assistance.

Approche minuit. Un son de cloche émane des haut-parleurs, suivi d'autres. Et au douzième, alors que la marquise se préparait à parler, Mirana, imitant Tino Rossi, se lance: "C'est la belle nuit de Noël…" et nous fait tous chanter l'inoubliable "Petit Papa Noël". Le public a ensuite applaudi pendant plusieurs minutes, avant que la marquise ne fasse son discours de fin de spectacle. Moi j'ai rejoint Mirana sur scène, et le rideau s'est refermé derrière moi.

Nous sommes retournés dans la salle une fois vidée de ses spectateurs. Mirana a embrassé et m'a présenté tous les transformistes qu'elle n'a salués à notre arrivée, lesquels l'ont félicitée. Puis j'ai vu arriver la marquise avec un rouleau de billets de banque, qu'elle a remis à Mirana, pour la remercier de cette improvisation. Elle a tout d'abord tenté de refuser, mais la marquise a insisté, en soulignant que cela l'aiderait à financer son opération, ce qui la décide.

Je les laisse papoter entre eux, sagement dans mon coin. Petit à petit, chacune des créatures s’éclipse en loge pour laisser place quelques minutes plus tard à un individu tout à fait masculin, qui nous redit joyeux Noël en partant. Nous ne sommes plus que trois, la marquise, Mirana, et moi. Je me décide à poser la question qui ne démange, à savoir la nature de l’opération censée changer la vie de Mirana. J’assiste à la décomposition de la face de la marquise. Je m’attends à tout, et surtout au pire. J’imagine Mirana condamnée sans cette opération, j’imagine la perdre à peine l’ai-je rencontrée. Je me décompose probablement aussi. "Tu ne lui en as pas parlé ?" "Non, pas encore. C’est que nous venons juste de nous rencontrer…" Je m’agite: "Mais enfin, parlez, dîtes-moi ! Mirana, est-ce grave ?" La marquise prend alors l’initiative, d’un ton …paternaliste: "Non, il n’y a rien de grave, rassurez-vous. Ce n’est pas grave, c’est juste extrêmement important pour Mirana. Extrêmement important car après sa réassignation Mirana deviendra enfin complètement la femme qu’elle aurait toujours dû être…"
»

-MyLzz59-

10 commentaires:

Stéphane a dit…

:) On comprend mieux ce qu'a de "diffèrent" ce texte et ..par conséquent le personnage de Mirana...Mais comment va donc réagir "je"!!?
vite la suite!

:* Bisous Miss!

(tien, y a longtemps que je n avais pas entendu parler de Klaus Nomi! :))

MyLzz59 a dit…

Bisous Taz :*

Tu as raison de t'interroger sur la réaction qu'aura la narratrice, j'étendrais même cette question aux lectrices et lecteurs de cette histoire..

Nous en sommes à l'avant-dernier chapitre (hors épilogue), nous attendons logiquement le dénouement ;)

Quelle serait votre réaction, lectrices et lecteurs, si vous étiez à sa place, ou plus largement, confrontés à une révélation similaire ?

Pis quant à Klaus Nomi, je pensais avoir déjà fait un article sur lui.. C'est désormais chose réparée, et c'est principalement pour toi, Taz :*

-MyLzz59-

Stéphane a dit…

A ta question, délicat de ne pas passer pour normand (avec une réponse restant dans le vague) ou un hypocrite...(y pas d'souci! ...ben tiens!)
J ai cependant du mal à me mettre à la place de "je". Passé le moment de la surprise, comment réagirais-je? pffff...je n en sais rien... une foule de questions et d interrogations se bousculerait certainement..ce n'est pas une situation à laquelle on est préparé... Je demanderai un p'tit laps de temps pour réorganiser mes pensées.. ensuite... ben ensuite une méga-pelle!? :D . naaaaaan, je sais pas...

Mouais, j ai pas répondu...:(

Bisous

Delph' a dit…

Je le savais ! je le savais ! j'en étais sure que c'était ça l'opération de Mirana !

Quand à ma réaction dans une telle situation ... :o alors là .... j'en sais rien du tout.

De manière générale je trouve ça tout à fait logique. Si j'étais directement concernée je pense qu'un temps de réflexion et de regroupement de mes pensées me serait nécessaire mais je ne pourrais pas vous en dire la conclusion. Désolée.

Voyons comment "je" vas réagir ... elle.

MyLzz59 a dit…

Avé vous deux :*

Je sais que ma question n'est pas anodine.. et je me doute que la première phase serait l'effet de surprise à gérer ..et digérer :-/

Mais une fois cette phase passée, qu'est-ce qui, en proportions, vous "bloquerait" ? De savoir qu'elle n'était pas initialement fille (biologiquement) ? Ce qu'elle a (encore) entre les jambes ? Ou de continuer de la voir malgré tout comme le garçon qu'elle n'a jamais été, même après réassignation ?

Qu'y a-t-il de plus important ? Le physique de la personne ? Ce qui se passe dans sa tête ? Le fait de savoir ?

Je sais que mes questions n'ont rien d'évident..

Bisous :*
-MyLzz59-

Stéphane a dit…

:)
En réponse à la première salve de question ( qu'est ce qui pourrait bloquer :p): non à la 1, oui probable à la 2 et non à la 3...
à la deuxieme volée: ben les trois sont importants, nan? (j ai faux :-/?)

bisous Miss...

Megane a dit…

J'ai beau retourner la question dans tous les sens, je ne trouve pas ce qui consciemment me bloquerait. Si blocages devrait-il y avoir, je pense qu'ils apparaîtraient après ladite opération, car la digestion est (chez moi) plus inconsciente que consciente, ne débutant qu'après avoir eu quelque chose à ingérer: des faits. Sinon dans la théorie c'est peut-être facile à dire (surtout au beau milieu d'une relation "longue") mais ce qui importe à l'autre dans le couple c'est la personne au présent, ce qu'elle est et non ce qu'elle a été. Alors les "restes" du passé (biologiques ou non) ne sont problématiques que pour leur propriétaire. Pour l'autre c'est facile, tout est déjà (au pire) prémâché voire (au mieux) déjà digéré.

MyLzz59 a dit…

C'est surtout, selon moi, la distinction entre le sexe biologique, celui dont Dame Nature nous affuble parfois à tort, et le sexe mental, qui caractérise bien mieux la personne, et la vie qu'elle souhaite(rait) mener..

C'est l'image que son corps lui renvoie, et l'image que les autres lui renvoient aussi..

Bisous Megane :*
-MyLzz59-

Megane a dit…

"Les apparences sont souvent trompeuses" est bien une citation qui est passé par la bouche de chacun d'entre nous au moins un jour. Nous avons fini par admettre qu'il était si aisé de faire mentir un miroir, et pourtant, dans certains contextes comme celui-ci, tout d'un coup on n'arrive plus à y croire?! Si une personne me dit "Je suis un homme" ou "Je suis une femme", comment moi pourrais-je mieux savoir que cette personne ce qu'elle est? Cela me paraît bien prétentieux, non?...

MyLzz59 a dit…

Magnifiquement dit, Megane, c'est exactement ça !

:*
-MyLzz59-